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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Arrêts du réacteur 2 et vidange des circuits nucléaires

Une "manœuvre inappropriée" et des "conséquences identifiées tardivement"




7 novembre 2019


Une erreur lourde de conséquences. Le 31 octobre 2019, EDF annonce l’arrêt du réacteur 2 de Gravelines (Nord) : il "est constaté une concentration en bore supérieure à l’attendu" dans le circuit primaire. Le réacteur redémarre 3 jours plus tard. Mais 3 jours après, il est de nouveau arrêté. Le lendemain EDF lâche enfin quelques bribes de vérité sur ce qu’il s’est réellement passé.


Il faudra donc pas moins d’une semaine pour que l’exploitant livre quelques explications : le 31 octobre, le circuit d’injection de sécurité (qui permet d’injecter du bore [1] dans le circuit primaire [2] pour absorber des neutrons, ce qui ralenti et arrête la réaction nucléaire) est testé. Il faut régulièrement vérifier que les systèmes dits de sauvegarde, à utiliser en as d’accident, fonctionnent correctement. Sauf qu’une petite erreur (une "manœuvre inappropriée") se glisse dans la procédure : une "injection involontaire" de bore est faite.

La concentration en acide borique doit être strictement contrôlée et ajustée en fonction de la puissance du réacteur et de l’usure du combustible. S’il est indispensable puisque c’est un des 2 seuls moyens de moduler une réaction nucléaire, l’usage du bore - et son abus - ont des conséquences. Au-delà d’être financièrement couteux, l’acide corrode les métaux des circuits et forme des cristaux qui peuvent obstruer les tuyaux et gêner la circulation du fluide primaire (qui rappelons-le, sert à refroidir le combustible nucléaire).

Il aura donc fallu, après avoir arrêté le réacteur puis l’avoir redémarré, l’arrêter de nouveau pour vidanger le réservoir du circuit d’injection de sécurité (trop "boré"), mais aussi "les circuits attenants situés en partie nucléaire". Le circuit primaire donc, à minima. À cause de cette sur-concentration, à cause de cette "manœuvre inappropriée", des effluents hautement radioactifs et chimiques ont été générés. Effluents qu’il faudra stocker pour les laisser décanter, traités, puis dont il faudra se débarrasser. Principalement dans nos rivières.

Comment une "injection involontaire" de bore a-t-elle pu se produire lors d’une procédure classique de test sur un circuit essentiel ? Pourquoi avoir redémarré le réacteur une première fois sans avoir procédé aux vidanges nécessaires (identification tardive des conséquences) ? Pourquoi avoir présenté les faits comme un simple arrêt consécutif à un constat de concentration supérieure à l’attendu" alors qu’il s’agit d’un l’évènement significatif pour la sûreté causé par l’exploitant lui-même ?

Une chose est sûre : de telles erreurs démontrent non seulement une méconnaissance de principes de base du fonctionnement de l’installation, un manque d’anticipation des conséquences de ses actes mais aussi de graves défaillances d’organisation et de supervision. Et la manière dont les faits ont été présentés au début par EDF pourrait être vue comme une tentative de déresponsabilisation. Rien de bon donc, ni dans la manière de faire ni dans l’attitude. Et encore moins quand il s’agit de l’exploitant des plus dangereuses installations industrielles.

Ce que dit EDF :

  • Mise à l’arrêt de l’unité de production n°2

Publié le 31/10/2019

L’unité de production n°2 de la centrale nucléaire de Gravelines a été mise à l’arrêt ce jeudi 31 octobre 2019 à 23h30.

Au cours de la réalisation d’un essai périodique programmé, il a été constaté une concentration en bore [3] supérieure à l’attendu dans le circuit primaire.

Conformément aux règles d’exploitation, les équipes ont procédé à la mise à l’arrêt de l’unité de production.

Celui-ci n’a eu aucune conséquence sur la sûreté de l’installation et la sécurité des personnes.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/mise-a-l-arret-de-l-unite-de-production-ndeg2-0

  • L’unité de production N°2 de nouveau connectée au réseau

Publié le 04/11/2019

Dimanche 03 novembre 2019 à 22h35, l’unité de production n°2 a été reconnectée, en toute sûreté, au réseau.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/l-unite-de-production-ndeg2-de-nouveau-connectee-au-reseau

  • Mise à l’arrêt de l’unité de production n°2

Publié le 06/11/2019

La centrale nucléaire de Gravelines a procédé à l’arrêt planifié de l’unité de production n°2 ce mercredi 6 novembre 2019, à 19h30.

Cette intervention a pour objectif de vidanger un réservoir d’acide borique ainsi que les circuits attenants situés en partie nucléaire des installations. Celle-ci n’a aucune conséquence sur la sûreté des installations et la sécurité des personnes.

Les unités de production n° 1,3 et 5 sont à l’arrêt programmé. Les unités de production n° 4 et 6 sont raccordées au réseau.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/mise-a-l-arret-de-l-unite-de-production-ndeg2-1

  • Déclaration d’un événement significatif de sûreté de niveau 1 sur une injection involontaire de bore lors d’un essai périodique sur l’unité n°2

Publié le 07/11/2019

Le 31 octobre 2019, un essai périodique doit être réalisé sur un système de sauvegarde du réacteur [4] de l’unité n°2. Le réacteur est en pleine puissance.

Suite à une manœuvre inappropriée lors de la réalisation de l’essai, du bore a été injecté dans les tuyauteries situées en amont du circuit primaire. La vanne a été refermée immédiatement. Afin d’éviter la cristallisation du bore dans les tuyauteries, les procédures imposent un arrêt du réacteur.

Ces conséquences, identifiées tardivement, ont conduit à l’arrêt du réacteur n°2 au-delà du délai prescrit par les procédures (cet arrêt a fait en conséquence l’objet d’une communication externe dédiée).

Cet écart de Sûreté n’a pas eu de conséquence sur la sûreté des installations, ni sur l’environnement a été déclaré le 4 novembre 2019 à l’Autorité de sûreté nucléaire au niveau 1, sur l’échelle INES.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/declaration-d-un-evenement-significatif-de-surete-de-niveau-1-sur-une-injection-involontaire-de-bore-lors-d-un-essai-periodique-sur-l


Ce que dit l’ASN :

Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 2

Publié le 25/11/2019

Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 4 novembre 2019, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté, relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 2, à la suite de l’injection involontaire de bore dans les tuyauteries du circuit primaire du réacteur lors de la réalisation d’un essai périodique du circuit d’injection de sécurité.

Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.

Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de contrôler, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore doit être suivie ; lorsque sa concentration est trop élevée, le bore atteint sa limite de solubilité et peut cristalliser dans les tuyauteries de l’installation et provoquer leur obstruction.

Le 31 octobre 2019, alors que le réacteur était à pleine puissance, un essai périodique est réalisé sur le circuit d’injection de sécurité. Lors de la réalisation de l’essai, un opérateur n’ouvre pas la bonne vanne et de l’eau contenant une forte concentration en bore est injectée dans les tuyauteries situées en amont du circuit primaire du réacteur. Une alarme apparaît alors en salle de commande du réacteur, en raison de la montée en pression de ces tuyauteries. L’opérateur corrige son erreur et poursuit l’essai.

A la fin de l’essai périodique, la première analyse réalisée par EDF sur l’alarme rencontrée ne donne lieu à aucune action particulière. Ce n’est que plus tard que l’opérateur informe le chef d’exploitation et le chef d’exploitation délégué de l’erreur commise sur la manipulation des vannes au cours de l’essai. Après une nouvelle analyse de l’événement, EDF conclut que le circuit d’injection de sécurité est indisponible et qu’il faut arrêter le réacteur pour vidanger les tuyauteries et éviter ainsi tout risque d’obstruction dû à la cristallisation du bore. Cette décision intervient tardivement par rapport à la conduite à tenir définie dans les spécifications techniques d’exploitation.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois compte tenu de la détection tardive des conséquences potentielles de l’erreur commise sur la manipulation des vannes, l’ASN le classe au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation-du-reacteur-23


[1Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/Lexique/B/Bore

[2Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[3Le bore a la propriété d’absorber les neutrons : il est neutrophage. Présent dans le circuit primaire, il participe au contrôle de la réaction en chaîne.

[4Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident, d’introduire de l’eau borée sous pression dans le circuit primaire. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

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