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Des accidents nucléaires partout

France : Flamanville : 4ème incident déclaré en deux semaines, à un mois du redémarrage




28 septembre 2020


Quatrième évènement significatif pour la sûreté déclaré en moins de 2 semaines par le site nucléaire EDF de Flamanville (Normandie). Une erreur faite lors d’un changement de moteur en 1999 vient juste d’être découverte. Une pompe essentielle au refroidissement en cas de coupure de courant n’aurait pas fonctionné plus de 10 minutes. Depuis que le site nucléaire de Flamanville a été placé sous surveillance renforcée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en septembre 2019, les déclarations d’incidents s’enchaînent. Et le rythme semble s’accélérer au fur et à mesure que le redémarrage des 2 réacteurs nucléaires approche.


Arrêté depuis janvier 2019 et septembre 2019, le redémarrage des deux réacteurs nucléaires est prévu pour fin octobre 2020. Un temps d’arrêt exceptionnellement long, nécessaire pour remettre en état le site dont la gestion a gravement manquée de rigueur ces dernières années. Difficultés depuis mi-2018, déficiences dans la maîtrise des gestes techniques, nombre élevé d’événements significatifs liés à des défauts de maintenance et des défauts de surveillance des prestataires, mauvaise maîtrise de certaines opérations de maintenance, qualité insuffisante des documents transmis à l’ASN... L’Autorité a demandé à EDF d’améliorer la maintenance, la surveillance et la sûreté de son site nucléaire [1]. Dont certains équipements étaient dans un état de délabrement avancé, à tel point que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), bras technique de l’ASN, jugeait la situation "très préoccupante".

Ventilation en zone nucléaire mal montée depuis 1985, corrosion très avancée des groupes électrogènes qui doivent fournir de l’électricité en cas de coupure, rouille dévorant les équipements de stations de pompage qui permettent d’apporter l’eau essentielle au refroidissement des réacteurs, fuites sur des systèmes importants pour la sûreté, multiples pannes du système contrôle-commande laissé sans entretien malgré des alarmes récurrentes durant des mois... [2] Le 16 septembre 2020, EDF a par ailleurs admis que la détection des pannes et les réparations des équipements de lutte contre l’incendie - un des principaux risque sur un site nucléaire - avait été laissé complètement la dérive. Le même jour EDF annonçait qu’un double incident s’était produit lors d’essais sur le réacteur 2. Une partie de l’eau du circuit primaire s’est déversée dans le bâtiment réacteur, les systèmes de secours ont fonctionné durant une heure à cause d’une erreur de branchements et de problèmes organisationnels.

Moins de deux semaines plus tard, le 28 septembre, EDF annonce un nouvel évènement significatif pour la sûreté de l’installation nucléaire : une pompe servant au refroidissement du réacteur en cas de coupure électrique qui n’aurait pas pu fonctionner plus de 10 minutes, à cause d’un changement de moteur fait en 1999. EDF a pourtant testé la pompe un fois par an ces dix dernières années pour vérifier qu’elle pouvait fonctionner. Comment est-il possible que dix années d’essai n’aient pas révélé qu’une pièce ne supporte pas la chaleur ? Qui plus est, qu’une erreur ait été commise lors d’une intervention en 1999 d’une part, et soit restée inaperçue une décennie malgré des contrôles annuels d’autre part (comme la ventilation mal montée depuis les années 1980) semble pointer une tendance au laxisme installée depuis plusieurs années sur le site de Flamanville.

Cette nouvelle déclaration d’incident vient s’ajouter à toutes celles annoncées par EDF Flamanville ces derniers mois [3] et pose encore une fois, à quelques semaines du redémarrage, la question de la qualité de la maintenance sur le site et des contrôles techniques. Et montre des problèmes de fond : EDF a manifestement bien du mal avec l’organisation et la gestion globale de ses réacteurs nucléaires. Ce qui ne peut qu’augmenter les risques inhérents à leur fonctionnement.

Ce qu dit EDF :

Déclaration d’un événement sûreté de niveau 1 concernant la détection du sous-dimensionnement de la protection électrique d’une pompe lors de la réalisation d’une modification

Publié le 28/09/2020

Le 25 juin 2020, l’essai annuel d’une pompe est réalisé. Lors de cet essai, la pompe s’arrête suite au déclenchement d’un relai de protection thermique au bout de 10 minutes d’utilisation. Ce matériel avait été testé tous les ans de façon satisfaisante, le dernier test satisfaisant datant du 26 juin 2019.

Une expertise a été réalisée afin d’identifier l’origine du dysfonctionnement. Elle a conclu à un sous-dimensionnement du relai thermique par rapport à l’intensité du moteur. Cet écart est lié à une opération de modification réalisée en 1999. Le moteur thermique d’une pompe assurant le refroidissement du circuit primaire en cas de perte totale d’électricité, dans l’état de conduite « arrêt pour intervention », avait été remplacé par un moteur électrique, et le sous-dimensionnement du relai n’avait alors pas été identifié.

Cet écart n’a eu aucun impact sur la sûreté des installations. Au regard de l’antériorité de cet événement, la Direction du site a décidé de déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire, cet événement au niveau 1 sur l’échelle INES, échelle internationale des événements nucléaires, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-flamanville/actualites/declaration-d-un-evenement-surete-de-niveau-1-concernant-la-detection-du-sous-dimensionnement-de-la-protection-electrique-d-une-pompe


Ce que dit l’ASN :

Détection tardive de l’indisponibilité d’une motopompe de secours

Publié le 30/10/2020

Centrale nucléaire de Flamanville - Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 24 septembre 2020, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’une motopompe de secours permettant, dans certaines situations redoutées, l’alimentation en eau d’un des deux réacteurs.

Par conception, chaque réacteur de la centrale de Flamanville dispose de deux sources d’alimentation électriques externes (transformateur de soutirage et transformateur auxiliaire), ainsi que de deux sources d’alimentations électriques internes (deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel) [4] . Enfin, le site de Flamanville dispose d’une turbine à combustion pouvant être raccordée à l’un des réacteurs afin d’en assurer l’alimentation électrique.

Lorsque le circuit primaire est dans un état particulier (circuit plein mais avec un évent ouvert), une pompe mobile de secours doit être installée afin d’assurer, en cas de perte des différentes sources d’alimentations électriques, l’injection d’eau et le refroidissement du réacteur, jusqu’au rétablissement de celles-ci.

En décembre 1999, cette pompe mobile de secours a fait l’objet d’une modification visant à améliorer la gestion du risque de contamination en cas d’utilisation. Cette modification a consisté à remplacer le moteur thermique par un moteur électrique, couplé à un groupe électrogène thermique dédié. Depuis cette date, cette pompe de secours a fait l’objet d’essais périodiques annuels, visant à en vérifier le bon fonctionnement.

Lors du dernier essai annuel, le 25 juin 2020, la pompe a cessé de fonctionner après 10 minutes d’utilisation. L’essai a donc été déclaré insatisfaisant et a conduit l’exploitant à déclarer la pompe de secours indisponible. L’analyse menée à la suite de cet essai a identifié un sous-dimensionnement du relais thermique par rapport à l’intensité nominale de fonctionnement du moteur. Cette anomalie existait depuis la modification de 1999.

Cet écart n’a pas eu de conséquence sur le personnel et l’environnement. Cependant, compte tenu de sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

Préalablement aux opérations de redémarrage du réacteur 2, conduisant le circuit primaire à être dans l’état particulier décrit plus haut, EDF a mis en œuvre une autre motopompe de secours fonctionnelle, en remplacement de la pompe défectueuse. Depuis le 9 septembre 2020, EDF a procédé à la remise en conformité de la protection thermique de la pompe puis à sa requalification.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Detection-tardive-de-l-indisponibilite-d-une-motopompe-de-secours


[3voir le bandeau à droite de cet article pour une revue des déclarations d’incidents à Flamanville

[4Depuis le 29 septembre 2020, les deux réacteurs disposent également d’un groupe électrogène supplémentaire dit d’ « ultime secours », ces derniers n’étant cependant pas encore mis en service lors de cet événement.


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Installation(s) concernée(s)

Flamanville

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