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Sortir du nucléaire n°72



Février 2017

Fessenheim, un lanceur d’alerte de plus ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°72 - Février 2017

 Fessenheim


Fessenheim, un lanceur d’alerte de plus ? (https://lalterpresse.info/fessenheim-lanceur-dalerte-de-plus/)

Gabriel Weisser est père de deux enfants, habite à proximité de la centrale de Fessenheim et se définit non comme "anti" mais bien comme "opposant", c’est-à-dire citoyen ayant d’abord droit à toute l’information.

Il raconte son "réveil" lors des annonces de la catastrophe de Fukushima, quand il s’est senti "impuissant" et confronté à une "monstruosité".

Depuis il procède régulièrement à des relevés de radioactivité près de la centrale avec son compteur Geiger personnel et n’oublie jamais ses pastilles d’iode...

Dès 2011 il protestait contre les intervention programmées à l’initiative du rectorat dans les établissements scolaires de la Société française d’énergie présidée par AREVA pour expliquer le nucléaire aux enfants (faut-il dire le promouvoir ?).

Ses protestations médiatiques pour rappeler le devoir de neutralité du service public de l’enseignement ont contribué à la fin de ces interventions.

Déjà il insistait sur l’incitation à la désobéissance des responsables d’établissements quant à ces visites "officialisées" et sur l’intérêt public général qu’il pensait menacé par ce manquement à la neutralité du service public.

En 2014 il invitait pour rencontrer des lycéens le seul paysan japonais à avoir refusé de quitter la zone déclarée interdite dans le périmètre de Fukushima (ce "Noé du nucléaire", comme le qualifie mon interlocuteur qui, outre les vaches qu’il a donc refusé d’abandonner, s’occupe désormais aussi de bétail dont les propriétaires ont évacué la zone interdite).

En 2016 il invite un "liquidateur" rescapé de Tchernobyl, Oleg Veklenko, et rencontre avec lui des élèves de lycées et le maire de Fessenheim.

Actuellement, Gabriel Weisser prépare une plainte pour "mise en danger de la vie d’autrui" avec le concours de Corinne Lepage, avocate bien connue des environnementalistes. Sa plainte s’ajoutera donc à celle de plusieurs associations antinucléaires pour avoir "largement minimisé" et déclaré "hors délai" la fuite constatée à l’intérieur des installations de Fessenheim le 28 février dernier ; les plaignants accusant EDF et le directeur de la centrale d’avoir "menti" à l’ASN, autorité publique de la sécurité du nucléaire en France.

Le tribunal de police de Guebwiller a par ailleurs déjà eu à connaître de la plainte des cinq associations antinucléaires et rendra son jugement le 7 décembre prochain.

Depuis, une nouvelle plainte a été déposée contre AREVA et EDF par les associations antinucléaires locales, le Réseau "Sortir du nucléaire", France Nature Environnement et Greenpeace pour "quatre délits majeurs" dont "usage de faux et mise en danger délibérée de la vie d’autrui" suite aux révélations sur les 87 irrégularités relevées par l’ASN sur les pièces fabriquées au Creusot pour les centrales nucléaires mais dont une spécifique est utilisée à Fessenheim.

Cette dernière anomalie n’aurait été déclarée à l’ASN que tardivement et cette dernière a suspendu son autorisation de remise en service du réacteur numéro 2. Un directeur adjoint de l’ASN, Julien Collet, a déclaré le 23 septembre que cette défectuosité pouvait mettre en question la sûreté même de la centrale.

Après sa lettre adressée récemment à 500 députés leur demandant d’exiger la fermeture immédiate de la centrale de Fessenheim "au nom de la sécurité des populations riveraines auxquelles [il appartient] avec [sa] famille", notre "lanceur d’alerte" vient de s’adresser par courrier au maire de Fessenheim "en tant que riverain de Fessenheim" pour solliciter l’élu "responsable de la sécurité sur le ban de la commune", pour connaître les mesures que [le maire souhaite] mettre en œuvre pour demander à EDF, exploitant de la centrale de Fessenheim, de faire face à ses obligations". Sa signature est suivie de la mention "Riverain inquiet de la doyenne des centrales nucléaires françaises, Fessenheim".

Gabriel Weisser est donc un "lanceur d’alerte" de plus dans un contexte où la centrale alsacienne n’en finit pas de défrayer la chronique des promesses politiques de fermeture toujours repoussée et des incidents de fonctionnement à répétition.

Contrairement à nombre de ses pareils, notre "lanceur d’alerte" ne se cache pas, même s’il a souvent fait l’objet de pressions diverses. Il persévère dans son combat personnel pour le droit à l’information, le droit pour le citoyen de "se faire sa propre opinion" et demande l’arrêt d’installations qu’il estime dangereuses pour les populations riveraines, pour sa propre sécurité ainsi que celle de sa famille.

La conclusion de sa lettre aux élus nationaux doit être citée : "Avant qu’il ne soit trop tard et au nom de la République, au nom de nos enfants, au nom des générations à venir, notre responsabilité devant l’humanité doit nous conduire dans les délais les plus brefs à fermer la doyenne des centrales nucléaires hexagonales et amorcer en France la sortie du nucléaire".

S’il n’ignore pas les impacts socio-économiques de la fermeture de Fessenheim, il se situe pourtant, lui, au dessus des discours politiciens et tient un discours de responsabilité politique, au sens noble du terme.

Simple citoyen, il invoque l’intérêt général supérieur public, au-delà des enjeux économiques locaux – qu’il n’est cependant pas question de ne pas prendre en compte.

L’actualité nous fournit abondamment des exemples de ces personnes qui alertent et dénoncent dans de nombreux domaines : pour en rester à la période récente nous avons tous en tête des noms américains, russes, français qui ont révélé des informations majeures et défrayé la chronique dans nombre de domaines pour alerter l’opinion publique (alertes sanitaires et environnementales, renseignements géopolitiques et diplomatie, finance, santé, sport...).

Gabriel Weisser n’est pas un lanceur d’alerte au sens strict d’une législation française non encore définitive par ailleurs (loi Sapin 2), mais il est pourtant très représentatif de ce mouvement de fond de citoyens isolés mais informés qui décident désormais de briser un tabou, de "faire savoir", d’alerter directement et largement d’autres citoyens, sans se soucier de canaux identifiés ou d’appareils organisationnels. Ils pensent devoir être comptables d’abord de l’intérêt général.

Pour une personne isolée ou un groupe, voire une institution, qui anticipe un danger ou un risque majeur et déclenche un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation collective (pour reprendre les termes de Wikipédia), combien savent mais se taisent ? Combien de victimes de la pression sociale, de la crainte des risques personnellement encourus et dont la parole aurait pu écarter des menaces graves pour nos sociétés ? Là encore l’actualité regorge d’exemples, de WikiLeaks aux scandales du Médiator, de l’amiante, des fraudes fiscales massives, du dopage d’État, des sportifs...

Dans un contexte où règnent ouvertement impuissance politique, omerta, intérêts divers, lobbies, hiérarchies et intérêts personnels, les contre-pouvoirs organisés et les corps intermédiaires comme nos systèmes de représentation montrent leurs limites… et la frénésie (le théâtre ?) médiatique n’est plus garante d’information, au contraire.

Révélateurs de ce qui ne doit pas être connu, briseurs de tabous, lanceurs d’alerte estampillés ou simples "riverain inquiet", doivent donc être écoutés, encouragés, protégés si nous voulons retrouver le goût de la démocratie, de la vraie.

Même au prix de dérives possibles, il nous faut donc être très attentifs aux réactions et informations des "riverains inquiets", et pas seulement de ceux qui habitent près d’une centrale nucléaire qui commence à ressembler à une bombe à retardement.

C.R

Article paru initialement sur le site L’Alterpresse68

https://lalterpresse.info/

Fessenheim, un lanceur d’alerte de plus ? (https://lalterpresse.info/fessenheim-lanceur-dalerte-de-plus/)

Gabriel Weisser est père de deux enfants, habite à proximité de la centrale de Fessenheim et se définit non comme "anti" mais bien comme "opposant", c’est-à-dire citoyen ayant d’abord droit à toute l’information.

Il raconte son "réveil" lors des annonces de la catastrophe de Fukushima, quand il s’est senti "impuissant" et confronté à une "monstruosité".

Depuis il procède régulièrement à des relevés de radioactivité près de la centrale avec son compteur Geiger personnel et n’oublie jamais ses pastilles d’iode...

Dès 2011 il protestait contre les intervention programmées à l’initiative du rectorat dans les établissements scolaires de la Société française d’énergie présidée par AREVA pour expliquer le nucléaire aux enfants (faut-il dire le promouvoir ?).

Ses protestations médiatiques pour rappeler le devoir de neutralité du service public de l’enseignement ont contribué à la fin de ces interventions.

Déjà il insistait sur l’incitation à la désobéissance des responsables d’établissements quant à ces visites "officialisées" et sur l’intérêt public général qu’il pensait menacé par ce manquement à la neutralité du service public.

En 2014 il invitait pour rencontrer des lycéens le seul paysan japonais à avoir refusé de quitter la zone déclarée interdite dans le périmètre de Fukushima (ce "Noé du nucléaire", comme le qualifie mon interlocuteur qui, outre les vaches qu’il a donc refusé d’abandonner, s’occupe désormais aussi de bétail dont les propriétaires ont évacué la zone interdite).

En 2016 il invite un "liquidateur" rescapé de Tchernobyl, Oleg Veklenko, et rencontre avec lui des élèves de lycées et le maire de Fessenheim.

Actuellement, Gabriel Weisser prépare une plainte pour "mise en danger de la vie d’autrui" avec le concours de Corinne Lepage, avocate bien connue des environnementalistes. Sa plainte s’ajoutera donc à celle de plusieurs associations antinucléaires pour avoir "largement minimisé" et déclaré "hors délai" la fuite constatée à l’intérieur des installations de Fessenheim le 28 février dernier ; les plaignants accusant EDF et le directeur de la centrale d’avoir "menti" à l’ASN, autorité publique de la sécurité du nucléaire en France.

Le tribunal de police de Guebwiller a par ailleurs déjà eu à connaître de la plainte des cinq associations antinucléaires et rendra son jugement le 7 décembre prochain.

Depuis, une nouvelle plainte a été déposée contre AREVA et EDF par les associations antinucléaires locales, le Réseau "Sortir du nucléaire", France Nature Environnement et Greenpeace pour "quatre délits majeurs" dont "usage de faux et mise en danger délibérée de la vie d’autrui" suite aux révélations sur les 87 irrégularités relevées par l’ASN sur les pièces fabriquées au Creusot pour les centrales nucléaires mais dont une spécifique est utilisée à Fessenheim.

Cette dernière anomalie n’aurait été déclarée à l’ASN que tardivement et cette dernière a suspendu son autorisation de remise en service du réacteur numéro 2. Un directeur adjoint de l’ASN, Julien Collet, a déclaré le 23 septembre que cette défectuosité pouvait mettre en question la sûreté même de la centrale.

Après sa lettre adressée récemment à 500 députés leur demandant d’exiger la fermeture immédiate de la centrale de Fessenheim "au nom de la sécurité des populations riveraines auxquelles [il appartient] avec [sa] famille", notre "lanceur d’alerte" vient de s’adresser par courrier au maire de Fessenheim "en tant que riverain de Fessenheim" pour solliciter l’élu "responsable de la sécurité sur le ban de la commune", pour connaître les mesures que [le maire souhaite] mettre en œuvre pour demander à EDF, exploitant de la centrale de Fessenheim, de faire face à ses obligations". Sa signature est suivie de la mention "Riverain inquiet de la doyenne des centrales nucléaires françaises, Fessenheim".

Gabriel Weisser est donc un "lanceur d’alerte" de plus dans un contexte où la centrale alsacienne n’en finit pas de défrayer la chronique des promesses politiques de fermeture toujours repoussée et des incidents de fonctionnement à répétition.

Contrairement à nombre de ses pareils, notre "lanceur d’alerte" ne se cache pas, même s’il a souvent fait l’objet de pressions diverses. Il persévère dans son combat personnel pour le droit à l’information, le droit pour le citoyen de "se faire sa propre opinion" et demande l’arrêt d’installations qu’il estime dangereuses pour les populations riveraines, pour sa propre sécurité ainsi que celle de sa famille.

La conclusion de sa lettre aux élus nationaux doit être citée : "Avant qu’il ne soit trop tard et au nom de la République, au nom de nos enfants, au nom des générations à venir, notre responsabilité devant l’humanité doit nous conduire dans les délais les plus brefs à fermer la doyenne des centrales nucléaires hexagonales et amorcer en France la sortie du nucléaire".

S’il n’ignore pas les impacts socio-économiques de la fermeture de Fessenheim, il se situe pourtant, lui, au dessus des discours politiciens et tient un discours de responsabilité politique, au sens noble du terme.

Simple citoyen, il invoque l’intérêt général supérieur public, au-delà des enjeux économiques locaux – qu’il n’est cependant pas question de ne pas prendre en compte.

L’actualité nous fournit abondamment des exemples de ces personnes qui alertent et dénoncent dans de nombreux domaines : pour en rester à la période récente nous avons tous en tête des noms américains, russes, français qui ont révélé des informations majeures et défrayé la chronique dans nombre de domaines pour alerter l’opinion publique (alertes sanitaires et environnementales, renseignements géopolitiques et diplomatie, finance, santé, sport...).

Gabriel Weisser n’est pas un lanceur d’alerte au sens strict d’une législation française non encore définitive par ailleurs (loi Sapin 2), mais il est pourtant très représentatif de ce mouvement de fond de citoyens isolés mais informés qui décident désormais de briser un tabou, de "faire savoir", d’alerter directement et largement d’autres citoyens, sans se soucier de canaux identifiés ou d’appareils organisationnels. Ils pensent devoir être comptables d’abord de l’intérêt général.

Pour une personne isolée ou un groupe, voire une institution, qui anticipe un danger ou un risque majeur et déclenche un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation collective (pour reprendre les termes de Wikipédia), combien savent mais se taisent ? Combien de victimes de la pression sociale, de la crainte des risques personnellement encourus et dont la parole aurait pu écarter des menaces graves pour nos sociétés ? Là encore l’actualité regorge d’exemples, de WikiLeaks aux scandales du Médiator, de l’amiante, des fraudes fiscales massives, du dopage d’État, des sportifs...

Dans un contexte où règnent ouvertement impuissance politique, omerta, intérêts divers, lobbies, hiérarchies et intérêts personnels, les contre-pouvoirs organisés et les corps intermédiaires comme nos systèmes de représentation montrent leurs limites… et la frénésie (le théâtre ?) médiatique n’est plus garante d’information, au contraire.

Révélateurs de ce qui ne doit pas être connu, briseurs de tabous, lanceurs d’alerte estampillés ou simples "riverain inquiet", doivent donc être écoutés, encouragés, protégés si nous voulons retrouver le goût de la démocratie, de la vraie.

Même au prix de dérives possibles, il nous faut donc être très attentifs aux réactions et informations des "riverains inquiets", et pas seulement de ceux qui habitent près d’une centrale nucléaire qui commence à ressembler à une bombe à retardement.

C.R

Article paru initialement sur le site L’Alterpresse68

https://lalterpresse.info/



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