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Violation des règles d’identification, d’entreposage et de transfert interne de matières fissiles humides


Victoires / Installation : Romans-sur-Isère


La société FBFC a déclaré le 26 septembre 2012 à l’ASN une violation des règles de conditionnement, d’entreposage et de transfert interne de matières fissiles humides au sein de son usine à Romans-sur-Isère. Le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé une citation directe.

 

Usine Areva FBFC Romans © 2013 AREVA


Le site FBFC de Romans-sur-Isère

Sur son site de Romans-sur-Isère dans la Drôme, la société FBFC exploite deux installations nucléaires de base (INB), l’unité de fabrication d’éléments combustibles pour les réacteurs de recherche (INB 63) et l’unité de fabrication de combustibles nucléaires destinés aux réacteurs à eau sous pression (INB 98), ainsi qu’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE 6 bis), l’atelier dit des Cavités, où sont fabriqués des composants spécifiques, comme les « cavités » ou les « collimateurs LHC » pour le CERN.

Dans son appréciation 2014, l’ASN relève que Areva FBFC fait l’objet d’une vigilance renforcée depuis fin 2013. L’exploitant a été convoqué par le collège de l’ASN le 11 février 2014. L’ASN poursuivra en 2015 la vigilance renforcée du site jusqu’à ce qu’elle ait pu mesurer l’amélioration durable de la rigueur d’exploitation et la mise en conformité des installations du site.

Violation des règles d’identification, d’entreposage et de transfert interne de matières fissiles humides : un "incident" classée au niveau 2 de l’échelle INES

L’événement est survenu au sein de l’installation nucléaire de base dédiée à la fabrication d’éléments de combustible des réacteurs à eau pressurisée. à l’intérieur de cet établissement, le transfert de matières fissiles d’un atelier à un autre peut notamment être réalisé à l’aide de bouteillons. Les matières fissiles peuvent se présenter sous une forme humide ou sèche.

Afin de prévenir les risques de criticité, les bouteillons contenant des produits fissiles humides doivent respecter des règles d’identification, d’entreposage et de transfert plus strictes que celles applicables aux matières sèches. Ils doivent en particulier être identifiés de manière spécifique et manutentionnés unitairement et manuellement.

Le 24 septembre 2012, en procédant à l’ouverture d’un bouteillon, un opérateur a détecté qu’un bouteillon de matières humides était présent dans un chariot de transfert destiné à véhiculer de la matière fissile sèche. Ce bouteillon n’était par ailleurs pas identifié de la façon prévue et ne respectait pas les règles d’entreposage et de transfert applicables aux bouteillons de matières humides.

Une vérification du contenu de l’ensemble des chariots et des bouteillons présents dans l’établissement a mis en évidence qu’un nombre important de bouteillons de matières humides ne respectaient pas les règles d’identification, d’entreposage et de transfert interne qui leur sont applicables.

Cet évènement, classé initialement au niveau 1 de l’échelle INES par l’exploitant, a été reclassé au niveau 2 par l’ASN en raison du défaut de culture de sûreté et de prise en compte du retour d’expérience dont a fait preuve Areva FBFC, ainsi que du nombre de bouteillons concernés.

La justice a été saisie

Le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé une plainte le 22 février 2013 (voir la plainte, en document joint). Cette plainte a été classée sans suite par le Parquet de Valence, le 26 février 2014, après un simple rappel à la loi de l’exploitant.

Depuis cette plainte, de nouvelles violations à la règlementation se sont produites sur le site de FBFC Romans. Une dizaine de nouveaux incidents ont été répertoriés et l’installation a été placée en vigilance renforcée.

Depuis le 31 décembre 2014, Areva NP est le nouvel exploitant de l’installation.

Le 22 décembre 2014, nous avons donc déposé une citation directe à l’encontre d’Areva NP et de FBFC pour les infractions commises depuis 2012 sur le site de Romans-sur-Isère (voir la citation, en document joint). Le 15 avril 2015, nous avons déposé une seconde citation à l’encontre de l’ancien et du nouveau directeur de l’usine, Messieurs Rocrelle et Capdepon (voir la seconde citation, en document joint).

Les associations Stop Nucléaire 26-07 et FRAPNA Drôme se sont également constituées parties civiles.

Suite à un renvoi, l’affaire a été examinée par le Tribunal correctionnel de Valence le 28 janvier 2016 (voir nos conclusions, en document joint) [1].

L’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été rendu le 7 avril 2016 (voir le jugement, en document joint). Le Tribunal correctionnel de Valence a rejeté les exceptions d’illégalité soulevées par Areva et A. Capdepon à l’encontre de notre citation, mais a décidé de les relaxer de toutes les infractions. Nous avons fait appel.

L’audience en appel s’est tenue à Grenoble le 7 novembre 2016.

Le 15 mai 2017, la Cour d’appel de Grenoble a infirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Valence et a reconnu que des fautes avaient été commises dans la gestion de l’usine FBFC en septembre 2012. L’ancien directeur du site a été condamné à verser 15 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 9 000 euros au titre des frais.

 

Téléchargez l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble
FBFC Bouteillons - Arrêt CA 15/05/17

 

Pour en savoir plus sur cet incident :
https://www.sortirdunucleaire.org/France-FBFC-transfert

Notes

[1Le Tribunal correctionnel de Valence devait examiner l’affaire des bouteillons de matière fissile humide de l’usine FBFC de Romans-sur-Isère (affaire qui remontait à septembre 2012). Le Réseau avait porté plainte en février 2013. Cette plainte ayant fait l’objet d’un classement sans suite après un simple rappel à la loi, nous avions fait délivrer une citation directe à FBFC, Areva NP, l’ancien directeur du site D. Rocrelle et le nouveau A. Capdepon, pour 6 infractions au droit de l’environnement et à la réglementation INB (article 45, articles 14 et 28, article 7 de l’arrêté du 31 décembre 1999, article 8 de l’arrêté du 10 août 1984 et article L 591-5 du Code de l’environnement). SN 26-07 et FRAPNA Drôme se sont constituées parties civiles.

Etaient présents à l’audience : le directeur actuel de FBFC Romans (Monsieur Capdepon), l’avocat d’Areva et sa collaboratrice, l’avocat de Capdepon et Me Ambroselli (notre avocat).

La Présidente a commencé par rappeler les infractions pour lesquelles FBFC, Areva NP, Capdepon et Rocrelle étaient cités à comparaître : 5 infractions reprochées (non prévention du risque de criticité, mauvais étiquetage, pb de compétences et de formation des agents en charge de gérer les matières, pb de contrôle technique sur les installations, délit de retard dans la déclaration d’incident à l’ASN) .

La présidente : Citation du RSDN à FBFC et à Areva NP pour des faits de 2012, 2013, 2014. Citation à D. Rocrelle, ancien directeur de la FBFC, ni présent, ni représenté. Ne fait plus partie de la FBFC. Citation à Capdepon : directeur représentant Areva NP et responsable des opérations sous direction de Rocrelle. Conclusions de nullité déposées.

Avocat de Capdepon : L’association RSN a fait citer la sté FBFC puis Areva NP puis dans un 2e temps, Capdepon et Rocrelle. Citations rédigées dans les mêmes termes. Les pouvoirs ne sont pas réguliers et la citation ne sont que la conséquence de ces pouvoirs. La citation à M. Capdepon est identique à FBFC puis à Areva NP sans qu’il n’y ait de précisions par rapport à mon client. Donc pas en mesure de comprendre ce qu’on lui reproche = atteinte aux droits de la défense. Sur le premier point, irrecevabilité en même temps que nullité. La citation est ainsi rédigée : association représentée par Mme Marie Frachisse par délibération du CA. Nous n’avons jamais eu communication de la délibération en dépit des efforts : juste un extrait de délib et extrait du registre intranet de délibération. Or, la jurisprudence prévoit que l’association soit représentée de la manière dont le prévoit ses statuts. Sinon mandat irrecevable. Une association doit justifier d’un écrit qui est conforme aux statuts. Les statuts disent une délibération. Or simple extrait de délibération donc citation nulle. Arrêt de 1984 de la Chambre criminelle : mandat donné à la personne qui représente une association. Validité du mandat doit être examinée à la date de la citation. Le CA, tel que déclaré à la préfecture, est seul compétent pour le faire. Mais délib du CA date du 29 octobre 2014. Capdepon cité le 15 septembre 2015. Entre-temps, RSN a déclaré un nouveau CA. Donc le nouveau CA aurait dû prendre une nouvelle délibération pour que la citation soit valable. OK, RSN a ses griefs contre Areva, FBFC. Mais, là, l’association a décidé de mettre en cause en plus des personnes physiques et notamment M. Capdepon, simple salarié. Non seulement l’association a pris cette décision, mais elle l’a pris dans des conditions particulières. Le mandat date du 29 octobre 2014. Sociétés citées fin décembre 2014. Capdepon cité en septembre 2015. On pourrait quand même espérer que RSN, qui monte sur ses grands chevaux, justifie la mise en cause. Dans la delibération de RSN, une seule personne visée : FBFC, mais il n’est pas fait référence à Capdepon. Pratiquement 1 an après, l’association RSN fait citer Capdepon. Ce mandat n’est pas valable. Non contente de faire citer M. Capdepon de manière personnelle, elle a également ajouté subrepticement des éléments. Or, le CA n’a jamais autorisé une telle chose. Sept 2012 : incident sur Romans classé niveau 2 INES. Le RSN a déposé une plainte en 2013. Le Parquet a classé cette affaire sans suite après un rappel à la loi. Sur les faits, c’est assez borné. Les seuls faits visés par le mandat sont ceux de sept 2012. Or, dans toutes ses citations, RSN fait référence à 9 faits qui s’étalent jusqu’en 2014 et qui n’ont rien à voir avec les faits de 2012. Existence d’une infraction continue pour RSN. Cette infraction serait à la fois continue et connexe alors que ces incidents n’ont rien à voir les uns avec les autres. Sur la nullité de la citation de Capdepon, selon la CEDH, "tout accusé a le droit d’être informé de la nature des accusations portées contre lui". La citation ne fait aucun grief à M. Capdepon. La citation ne permettait lui pas de savoir pourquoi il était cité devant le tribunal. La citation est identique à celles faites à FBFC et Areva NP. Ne vise que l’exploitant. Mon client n’est pas l’exploitant. Didier Rocrelle a aussi été cité, mais pas la moindre justification sur le pourquoi ils sont cités tous les deux. Ce n’est qu’il y a que 3 jours, dans ses conclusions, que l’association RSN a évoqué la question d’un mandat mais je n’ai toujours pas compris pourquoi ils étaient là. Ce n’est pas des conclusions faites 5 mois après qui permettent de régulariser la citation. Je demande au Tribunal de prononcer la nullité.

Avocat d’Areva : Je ne vais pas reprendre sur la nullité du mandat. M. Rocrelle est absent. A l’époque des faits, il était directeur. Il a été cité à Parquet. Non content de mettre en cause des personnes physiques, RSN a publié sur son site Internet les citations. Très indélicat. Pour faire citer une personne à l’étranger, il faut la toucher 2 mois avant l’audience et il faut une remise effective à la personne. Nullité de l’exploit d’huissier. Un point sur les faits postérieurs : intelligibilité de la citation vis à vis des prévenus. Sur les faits postérieurs pas mentionnés dans les mandats des associations. 25, 26 septembre : INES 2 et après 9 contraventions postérieures. RSN se contente de joindre des avis de l’ASN qui ne sont que de simples écarts. Aucune date n’est bonne, à l’exception d’une seule. Faits englobés dans les faits de septembre : continuité puis connexité. Une seule délibération par association qui porte uniquement sur les faits de 2012. Faits distincts les uns des autres. 2 installations différentes. Prévention ne vise qui l’INB 98. Or des faits visés dans les citations concernent aussi l’INB 63. Faits de septembre 2012 portaient sur la matière humide alors que les faits postérieurs portaient sur la matière sèche. Faits qui n’ont rien à voir tant par leur cause, tant par l’installation. Ni continuité, ni connexité. Les délibérations ne peuvent pas permettre de vous avoir saisi des faits postérieurs. Les citations des 23 et 30 décembre 2014 : dans la citation, rien n’est reproché à Areva NP. Tout est reproché à FBFC car à l’époque, c’était l’exploitant. Filiale 100% Areva NP. Changement d’exploitant. FBFC absorbée par Areva NP le 31 décembre 2014. Tout ça était parfaitement connu par RSN. Il faut permettre au prévenu de connaître les faits qui lui sont reprochés. Quand on a reçu la citation, j’ai sorti la jurisprudence : une société mère ne peut pas être responsable pénalement des faits de sa société absorbée. Réaction de RSN a été de faire citer les personnes physiques. RSN est là dans un dessein politique. Dans nos conclusions, je m’explique également sur les faits car je suis également très à l’aise sur le fond. Dossier renvoyé une première fois. On reçoit il y a 3 jours une soixantaine de pages additionnelles : Areva NP serait responsable de sa société fille et responsable en tant que co-auteur. Ce qui m’était reproché n’était pas complètement dans la citation donc citation nulle. Nullité de la citation demandée.

Me Ambroselli : Sur conclusions Capdepon : n’ont pas une connaissance du monde associatif. Nous n’avons jamais été confrontés jusque là à ce type d’argument. Pourtant, j’en ai vu. Les lignes de défense s’ajoutent mais ne font pas illusion. Sur le défaut de pouvoir, c’est bien la délibération que nous avons produite. C’est le document qui permet d’agir. Critique sur pas de production des éléments : on a été jusqu’à produire une attestation de travail de Mme Frachisse. On ne peut pas faire voter des mandats à chaque changement dans le CA. Sinon atteinte au droit au recours effectif et risque de prescription des infractions contraventionnelles. Ce n’est pas exigé par la jurisprudence. Le mandat n’est pas trop restrictif. Il faut comprendre qu’une association ne fait pas le travail d’un avocat et donc les mandats sont suffisamment larges pour laisser une marge de manœuvre à l’avocat. Subtilité : nous avons constaté que depuis ces faits, les infractions se sont multipliées. Risque de criticité : manquement permanent. Toutes les infractions sont en lien avec les faits de sept 2012. 10 avis d’incident à la suite. C’est une succession de manquements à des règles qui portent sur un risque majeur. Infractions identiques et continues. Ne porte pas atteinte à la validité de la citation de manière générale. Sur M. Rocrelle et Capdepon, la citation se limite normalement à la prévention. Vous avez déjà eu la chance d’avoir le détail des faits. Monsieur Capdepon était au cœur de l’incident : lui qui a été cité. Areva NP citée à comparaître comme co-auteur avec série d’infractions. Exploitation de fait. Moyens devront être rejetés.

Le procureur : Je pense que le tribunal va joindre au fond et je m’en remets à vous pour trancher sur les nullités.

La présidente : Conclusions sont jointes au fond. Sur les faits, le Parquet a diligenté une enquête. Ecarts constatés par l’ASN sur des bouteillons de matière fissile humide. Rappel à la loi de l’exploitant pour avoir omis de respecter le contrôle technique. Citation des stés Areva NP et FBFC. Citation de Rocrelle et Capdepon. FBFC a été exploitant des deux INB du site de Romans jusqu’à son absorption par Areva le 31 décembre 2014. Site qui fabrique les assemblages de combustible. 26 sept 2012 : non respect des règles pour bouteillons de matière fissile humide. Proposition de classement niveau 1 sur INES.

A. Capdepon : Nous travaillons la poudre d’uranium pour faire des pastilles qui sont mises dans des gaines métalliques pour aller dans les réacteurs. Il faut araser ce qui dépasse pour rendre les pastilles cylindriques. Les poussières captées lors de cette opération sont mises dans des bouteillons étanches. 7 barrières différentes pour respecter le risque de criticité. L’ensemble du procédé est essentiellement sec. Tout ce qui est recyclé = poussières. Rectification où on arase la pastille où se dégagent des poussières très fines. Ce procédé se fait sous eau, ce qui crée de la matière humide.

La présidente : Risque de criticité = risque de réaction nucléaire en chaîne.

A. Capdepon : Réaction en chaîne qu’on cherche à avoir dans les réacteurs. Mais, au préalable, on cherche à l’éviter. Lorsqu’on est en amont d’un acte nucléaire, un accident de criticité se traduit par un flash instantané = irradiation pour les travailleurs. On connaît les principes physiques pour éviter ça : limiter la quantité d’uranium. Il faut un modérateur pour démarrer la réaction. Donc il faut maîtriser la quantité d’eau. Masse. Géométrie. Séparation des matières physiquement avec distances. Chariot tubulaire. Les bouteillons sont géométriquement séparés. L’empoisonnement : matière qui va absorbée la réaction = acier dans chariot tubulaire. Mises en place de barrières. Même s’il y a une barrière qui foire, il y a les autres pour empêcher le risque de criticité. RFS. Flash ne peut pas partir tout seul. Un accident de criticité ne peut pas partir d’un seul paramètre défaillant. Il faut toujours a minima deux barrières.

La présidente : Les bouteillons doivent respecter des règles pour les matières humides qui sont plus sévères que pour la matière sèche. Un opérateur a vu qu’un bouteillon de matière humide était présent dans un chariot de matière sèche et ne respectait pas les règles d’identification et d’entreposage. Suspension des opérations. Vérifications effectuées : autres écarts constatés. ASN : inspection 28 sept 2012. Plusieurs autres bouteillons concernés. ASN dit : pas de conséquences mais en raison du défaut de culture de sûreté, reclassement de l’évènement au niveau 2 de l’échelle INES. Nécessité de l’élaboration d’un retour d’expérience approfondi. Entre décembre 2012 et décembre 2014 : tous ces incidents ont été classés niveau 1.

A. Capdepon : L’échelle INES n’est pas une échelle de sanction. Pas une forme de gravité. 0 à 7. 300-400 incidents par an au niveau 0, 100 niveau 1, et quelques uns niveau 2. Il peut y avoir des facteurs additionnels. Ecart à une règle d’exploitation. Absence d’un système de prévention du risque de criticité. Facteurs particuliers supplémentaires. Ici, le facteur additionnel était la culture de sûreté. Comme plusieurs bouteillons concernés. Défaut de culture de l’exploitant. Facteur additionnel pour dire à l’exploitant : il faut que vous vous lanciez dans quelque chose pour mieux détecter les problèmes.

La présidente : Comment expliquez-vous qu’on ait trouvé plusieurs bouteillons mal identifiés et mal entreposés ?

A. Capdepon : Site de 700 personnes. Directeur de site : Rocrelle. 3 directeurs de production dont moi.Directeur d’exploitation a détecté l’écart. On se pose, on analyse et on appelle l’ASN. ASN contactée le jour-même par téléphone. Pas d’urgence donc traitement serein avec retour d’expérience (REX).

La présidente : Pourquoi l’ASN dit-elle qu’elle n’a eu connaissance de l’incident que le 26.

A. Capdepon : L’inventaire n’a pas été déclenché tout de suite, mais au titre du REX. Inventaire que le lendemain qui a permis la découverte des autres. Même écart. 3 autres bouteillons. Etiquetage pas bon.

La présidente : Pas de véritable contrôle technique.

A. Capdepon : En septembre 2012, je venais d’arriver. Arrêté de 1984, article 8 : on doit mettre en place un contrôle technique adapté. Ici, contrôle par sondage, mais pas systématique. 2e niveau : contrôle qui doit se faire par une entité indépendante. Département sûreté qui fait des enquêtes pour pouvoir détecter des écarts. Ensuite sur chaque unité, c’est défini. Sur ce flux de bouteillons, contrôle par sondage, et pas en mode systématique. Système avait besoin d’être amélioré. Pas efficace. N’a pas permis de détecter suffisamment tôt. Dans nos systèmes, on prend en compte le fait qu’il puisse y avoir des erreurs. Maintenant deux personnes pour vérifier. ASN a validé ce mode de contrôle systématique. Dans les auditions, on a l’impression qu’avec 1h de formation on peut savoir. Certains ont cherché à se défausser. 1 première heure de formation obligatoire pour tout le monde. Tous les 3 ans, formation de chaque opérateur = 4h avec un ingénieur avec explication de la réaction en chaîne, le contrôle, logique de barrières. Marges supplémentaires. Puis formation au poste de travail par compagnonnage.

Assesseur : Je n’ai pas saisi si ces formations ont été mises en place antérieurement ou postérieurement aux évènements de 2012.

A. Capdepon : Déjà en place. On a rajouté une formation culture de sûreté pour tout le personnel. Culture d’entreprise.

Assesseur : Simple erreur d’étiquetage. Compte-tenu de tout ce que vous venez de nous expliquer sur la caractère pointu des formations, comment a-t-elle pu se produire ?

A. Capdepon : Pour identifier un bouteillon humide, on lui met une étiquette qui sort du système informatique. L’étiquette est petite et on ne la voit pas si elle est tournée dans mauvais sens.

Assesseur : Erreur de base, erreur humaine. Mais ça me semble une précaution qui devrait être de base.

A. Capdepon : Etiquette modifiée depuis et fait 360° + oreillons. On est en permanence en train de détecter la moindre erreur et le moindre écart pour améliorer le système.

Assesseur : Compte-tenu des conséquences potentielles, c’est le minimum qu’on attend.

Me Ambroselli : Usine de Romans, par rapport à Areva NP et Areva. Quel lien avec la maison mère ?

A. Capdepon : Sur le lien entre FBFC et Areva NP, FBFC est née avant les années 70. A appartenu d’abord à l’industrie chimique puis devenue framatom puis 2001 = création du groupe Areva. Sté FBFC a vécu plusieurs actionnariats. FBFC avec un capital, sté indépendante jusqu’à 2014. Areva a décidé de simplifier. Projet de fusion d’un certain nombre de ses filiales. Processus amorcé en 2012. Transfert de la responsabilité de l’exploitant nucléaire. Groupe pour les grandes orientations stratégiques jusqu’en 2014. Plus de mandataire social à FBFC.

Me Ambroselli : 2 citations des personnes physiques. En avril et en septembre. Je n’ai pas pu toucher M. Rocrelle. J’ai été contraint de le faire citer à Parquet. Je ne sais pas ce qu’il en est advenu. Sur M. Capdepon, d’abord cité à Parquet, puis sur son lieu de travail. Sur le mandat : Areva qui reproche à RSN des manquements à des exigences démocratiques. C’est le monde à l’envers. Depuis les fais de septembre 2012, une 10aine d’incidents sur le site qui est placé sous vigilance renforcée de l’ASN depuis 2013 avec inspections de revue régulières. Convocation de la direction d’Areva NP devant le collège de l’ASN sur le problème de la gestion du risque de criticité sur le site. Sur la prétendue prescription, question de la connexité. Vous apprécierez. Sur la disparition de FBFC, nous en prenons acte. FBFC existait au moment de la citation et Areva NP a pris la succession. Mais Areva NP était l’exploitant effectif de l’usine. Société absorbante d’une société absorbée. Elle reprend les faits mais aussi co-auteur car exploitante de fait de l’installation. Sur la responsabilité pénale d’Areva NP, exploitant déclaré. EDF = c EDF. Pas d’arborescence. Mais Areva, c’est plus compliqué. L’ASN elle-même est perdue dans les méandres d’Areva. Responsabilité qui se dilue. Rappel à la loi, faits incontestables et incontestés. Système complètement désorganisé. C’est ce genre d’erreur qui peut conduire à une catastrophe. FBFC = filiale à 100% Areva. Areva s’est immiscée dans le fonctionnement même de l’usine FBFC. Arrêt Erika : Total condamné alors que société mère car exerçait en droit et en fait la gestion du navire. Arrêt Erika a mis fin à la dilution des responsabilités dans les filiales. Changement d’exploitant = ce n’est qu’un artifice juridique pour "clarifier l’image du groupe". Paradoxe du dossier : Areva dit qu’elle n’a rien à voir avec les faits mais produit des conclusions extrêmement développées et détaillées sur les faits. Ceci démontre concrètement son implication. Immixtion d’Areva NP dans la gestion de FBFC. Elle avait l’ensemble des pouvoirs décisionnels puisque qu’elle était la seul actionnaire. A investi 200 millions d’euros pour répondre aux demandes de l’ASN. Il a fallu investir dans cette usine. "Directives Areva". ASN ne se trompe pas d’exploitant et parle avec les dirigeants d’Areva NP. Elle ne parle pas de FBFC mais d’Areva => d’où la demande de fusion. Remettre la réalité en forme juridique. L’ASN dit elle-même que la politique sûreté n’est pas au cœur des problématiques du groupe Areva. Un four était arrêté depuis 2012 sur le site. Il a donc fallu transporter les matières. Si on avait fait l’investissement de réparer ce four, on aurait évité le transport des bouteillons et donc l’incident. Audition d’un salarié du site : "je pense que cet incident ne sera pas le seul" ; "d’autres points sensibles à améliorer" ; "Rentabilité plutôt que la sûreté". Confusion des sociétés avant la fusion. Sur personnes physiques, nous n’avons pas réussi à savoir où était Monsieur Rocrelle. M. Capdepon est certainement le premier à le regretter. Capdepon = chargé de l’atelier où ce sont passées les infractions. Décision de l’ASN du 30/10/12. Décision en urgence car intérêts protégés par L 593-1 du Code de l’environnement menacés. Incident du 17/09/12 concernait déjà un bouteillon de matière humide. Vous devez respecter les règles. Il ne s’agit pas de jouer avec les limites car c’est jouer avec la vie de vos salariés. Sur les infractions reprochées, "pas de risque de criticité donc pas d’infraction". Le texte dit que l’installation doit être exploitée de façon à éviter tout accident de criticité. C’est une règle préventive pour éviter l’accident. Consignes pas appropriées. Problème de compétences et de qualifications nécessaires. Une des auditions de salarié fait état de l’absence de formation et de la pression de la hiérarchie sur la production. Sur la question du contrôle technique, il y a eu un rappel à la loi. Besoin d’un contrôle systématique. Repentir actif n’efface pas l’infraction. Sur la déclaration tardive, déclaration faite seulement 2 jours après et lacunaire. Déclaration partielle. Tous les bouteillons irréguliers n’ont pas été déclarés. Pendant 48h, on ne savait pas où on était. Les textes prévoient une déclaration sans délai. Sur l’action civile, constitutions de FRAPNA Drôme et de SN 26-07 parfaitement valables. Nous produisons les nouveaux statuts de SN 26-07. Capdepon cite dans ses dernières écritures une jurisprudence qui dirait qu’en cas de multiples délégations d’une même compétence, les délégations ne sont pas valables. Je vous laisse apprécier. Mais il y a suffisamment d’éléments pour dire que Capdepon est responsable.

Le procureur : Suite à l’incident de septembre 2012, enquête. A l’issue de l’enquête, rappel à la loi pour des faits constitutifs d’une contravention de la 5e classe. Sur la citation directe, je me rapporte à votre Tribunal. Rocrelle : jugement par défaut.

Les avocats d’Areva et de Capdepon ont ensuite plaidé pendant environ 1 heure. L’avocat d’Areva conteste la responsabilité de la société pour les faits commis par sa filiale et invoque le fait qu’une société absorbante ne reprend pas la responsabilité pénale de la société absorbée. Il conteste également la gestion de fait du site de Romans avant la fusion-absorption.

Le site FBFC de Romans-sur-Isère

Sur son site de Romans-sur-Isère dans la Drôme, la société FBFC exploite deux installations nucléaires de base (INB), l’unité de fabrication d’éléments combustibles pour les réacteurs de recherche (INB 63) et l’unité de fabrication de combustibles nucléaires destinés aux réacteurs à eau sous pression (INB 98), ainsi qu’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE 6 bis), l’atelier dit des Cavités, où sont fabriqués des composants spécifiques, comme les « cavités » ou les « collimateurs LHC » pour le CERN.

Dans son appréciation 2014, l’ASN relève que Areva FBFC fait l’objet d’une vigilance renforcée depuis fin 2013. L’exploitant a été convoqué par le collège de l’ASN le 11 février 2014. L’ASN poursuivra en 2015 la vigilance renforcée du site jusqu’à ce qu’elle ait pu mesurer l’amélioration durable de la rigueur d’exploitation et la mise en conformité des installations du site.

Violation des règles d’identification, d’entreposage et de transfert interne de matières fissiles humides : un "incident" classée au niveau 2 de l’échelle INES

L’événement est survenu au sein de l’installation nucléaire de base dédiée à la fabrication d’éléments de combustible des réacteurs à eau pressurisée. À l’intérieur de cet établissement, le transfert de matières fissiles d’un atelier à un autre peut notamment être réalisé à l’aide de bouteillons. Les matières fissiles peuvent se présenter sous une forme humide ou sèche.

Afin de prévenir les risques de criticité, les bouteillons contenant des produits fissiles humides doivent respecter des règles d’identification, d’entreposage et de transfert plus strictes que celles applicables aux matières sèches. Ils doivent en particulier être identifiés de manière spécifique et manutentionnés unitairement et manuellement.

Le 24 septembre 2012, en procédant à l’ouverture d’un bouteillon, un opérateur a détecté qu’un bouteillon de matières humides était présent dans un chariot de transfert destiné à véhiculer de la matière fissile sèche. Ce bouteillon n’était par ailleurs pas identifié de la façon prévue et ne respectait pas les règles d’entreposage et de transfert applicables aux bouteillons de matières humides.

Une vérification du contenu de l’ensemble des chariots et des bouteillons présents dans l’établissement a mis en évidence qu’un nombre important de bouteillons de matières humides ne respectaient pas les règles d’identification, d’entreposage et de transfert interne qui leur sont applicables.

Cet évènement, classé initialement au niveau 1 de l’échelle INES par l’exploitant, a été reclassé au niveau 2 par l’ASN en raison du défaut de culture de sûreté et de prise en compte du retour d’expérience dont a fait preuve Areva FBFC, ainsi que du nombre de bouteillons concernés.

La justice a été saisie

Le Réseau "Sortir du nucléaire" a déposé une plainte le 22 février 2013 (voir la plainte, en document joint). Cette plainte a été classée sans suite par le Parquet de Valence, le 26 février 2014, après un simple rappel à la loi de l’exploitant.

Depuis cette plainte, de nouvelles violations à la règlementation se sont produites sur le site de FBFC Romans. Une dizaine de nouveaux incidents ont été répertoriés et l’installation a été placée en vigilance renforcée.

Depuis le 31 décembre 2014, Areva NP est le nouvel exploitant de l’installation.

Le 22 décembre 2014, nous avons donc déposé une citation directe à l’encontre d’Areva NP et de FBFC pour les infractions commises depuis 2012 sur le site de Romans-sur-Isère (voir la citation, en document joint). Le 15 avril 2015, nous avons déposé une seconde citation à l’encontre de l’ancien et du nouveau directeur de l’usine, Messieurs Rocrelle et Capdepon (voir la seconde citation, en document joint).

Les associations Stop Nucléaire 26-07 et FRAPNA Drôme se sont également constituées parties civiles.

Suite à un renvoi, l’affaire a été examinée par le Tribunal correctionnel de Valence le 28 janvier 2016 (voir nos conclusions, en document joint) [1].

L’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été rendu le 7 avril 2016 (voir le jugement, en document joint). Le Tribunal correctionnel de Valence a rejeté les exceptions d’illégalité soulevées par Areva et A. Capdepon à l’encontre de notre citation, mais a décidé de les relaxer de toutes les infractions. Nous avons fait appel.

L’audience en appel s’est tenue à Grenoble le 7 novembre 2016.

Le 15 mai 2017, la Cour d’appel de Grenoble a infirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Valence et a reconnu que des fautes avaient été commises dans la gestion de l’usine FBFC en septembre 2012. L’ancien directeur du site a été condamné à verser 15 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 9 000 euros au titre des frais.

 

Téléchargez l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble
FBFC Bouteillons - Arrêt CA 15/05/17

 

Pour en savoir plus sur cet incident :
https://www.sortirdunucleaire.org/France-FBFC-transfert

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