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Sortir du nucléaire n°55



Automne 2012

Alternatives

Comment les économies d’énergie cassent les prix

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°55 - Automne 2012

 Maîtrise de l’énergie  Politique énergétique


Les économies d’énergie réduisent les dépenses, non seulement parce qu’on achète moins d’énergie, mais aussi - ce qui est peu connu - parce qu’elles en font baisser le prix. Si l’on consomme moins d’énergie, elle est vendue moins cher...



Les experts d’Ecofys révèlent que les économies d’énergie réduisent les coûts non seulement directement (on consomme moins, donc on paie moins), mais aussi par effet d’entraînement à la baisse des prix de l’énergie. Ils ont donc calculé les économies réelles que permettrait la mise en œuvre effective de l’objectif européen de 20% d’énergie économisée en 2020.

Objectif : 20 % d’énergie économisée en 2020

En juin 2011, la Commission Européenne a proposé une nouvelle directive sur l’efficacité énergétique, visant 20% de réduction de la consommation d’énergie d’ici 2020. Au vu de la situation actuelle, cet objectif ne sera même pas atteint de moitié.

Mais si toutes les mesures d’efficacité énergétique nécessaires étaient prises, l’Union européenne (UE) parviendrait en 2020 à économiser 107 milliards d’euros par an, simplement par la réduction des quantités d’énergie achetées, après déduction du coût des mesures d’économie d’énergie. Bien que considérable, ce résultat est probablement sous-évalué, car basé sur un prix du pétrole très prudent de 52€ le baril (alors qu’il fluctue actuellement aux environs de 80-90€). De plus, il ne prend pas en compte les impacts indirects à la baisse sur le prix de l’énergie.

Actuellement, 80% de la consommation européenne d’énergie primaire sont assurés par les combustibles fossiles. L’UE importe plus de 80% du pétrole, 60% du gaz naturel et 40% du charbon qu’elle utilise. D’après le scénario tendanciel de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la consommation d’énergie va augmenter de 12 % entre 2005 et 2020, et les prix mondiaux du pétrole, du gaz et du charbon vont eux aussi augmenter.

Comment réduire le coût de l’énergie ?

Deux éléments déterminent le coût de l’énergie : le premier est la quantité d’énergie consommée, le deuxième est le prix de l’énergie. Le prix de l’énergie est déterminé par des coûts constitués d’une partie fixe - l’infrastructure énergétique (les gazoducs et les centres de stockage, les centrales électriques, les réseaux de transport et de distribution) - et d’une partie variable – coût des combustibles, charges et taxes environnementales, etc.

Les investissements dans l’efficacité énergétique permettent de réduire les prix de l’énergie en abaissant à la fois les coûts fixes et les coûts variables. Les experts d’Ecofys estiment que la baisse de la demande en Europe réduirait les prix des combustibles fossiles et de l’électricité, puis supprimerait des investissements dans les infrastructures, entraînant des réductions supplémentaires des prix de l’énergie.

Baisse des prix des énergies fossiles

Les politiques d’efficacité énergétique dans l’UE vont réduire la demande en combustibles fossiles en Europe, ce qui conduira à diminuer leurs prix. En effet, les marchés internationaux des énergies fossiles sont sous pression, car il existe peu de stocks mondiaux. Cela signifie que les prix sont très sensibles aux variations de la demande d’énergie. On peut donc s’attendre à d’importantes réductions des prix futurs de l’énergie, puisque la demande mondiale va baisser en raison des économies d’énergie en Europe et de leurs retombées dans d’autres régions du monde.

Parmi les combustibles fossiles, certains marchés sont mondiaux, d’autres sont plus régionaux, mais ils sont tous plus ou moins reliés. Les prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel sont également corrélés dans une certaine mesure.

L’approvisionnement en pétrole brut est clairement en situation de stress. Une des raisons est que la demande mondiale de pétrole est proche de la vitesse à laquelle il peut être extrait de terre. Il s’agit d’une situation de vulnérabilité, ce qui compromet les chances de prix stables et modérés.

Ecofys a analysé les effets de la réduction de la demande sur les prix de l’énergie fossile à partir des scénarios de l’AIE. Au niveau mondial, les calculs d’Ecofys montrent que chaque euro économisé grâce à la réduction de la demande génère une économie supplémentaire, liée à la réduction du prix, de 2,40€ pour le pétrole, 1,70€ pour le gaz naturel et 0,70€ pour les combustibles solides.

Comment la politique européenne influe sur les cours mondiaux

Mais si cet effet est notable au niveau mondial, qu’en est-il à l’échelle de l’UE ? La consommation d’énergie de l’UE ne représente que 15% environ de la demande énergétique mondiale. Par conséquent, l’impact de la réduction de la demande européenne sur les prix des marchés mondiaux, notamment pour le pétrole, sera beaucoup moins important que pour une réduction de la demande à l’échelle mondiale.

Cela dit, l’effet de l’action européenne sera plus important dans les cas où les marchés sont plus régionaux. C’est le cas pour le gaz naturel. Et même pour les combustibles dont le marché est global, on peut s’attendre à avoir des réactions en chaîne lorsque l’UE réalisera d’importants efforts d’efficacité énergétique. Une technologie développée pour le marché de l’UE pourra également être déployée à l’extérieur dans une certaine mesure. Les pays hors UE peuvent également suivre les objectifs politiques et les exemples de réglementation de l’UE et de ses États membres.

Dans l’ensemble, selon Ecofys, on peut s’attendre à ce que les prix des combustibles fossiles payés en Europe diminuent si l’Europe met en place des politiques ambitieuses d’économies d’énergie. En tenant compte de la proportion relative de la demande mondiale représentée par l’UE et de la mesure dans laquelle les prix de l’énergie de l’UE sont déterminés au niveau mondial, le facteur de multiplication sera plus petit que ceux mentionnés ci-dessus ; probablement de 0,5 à 1,0. Cela signifie que pour chaque % d’économie d’énergie dans l’UE, Ecofys estime que les prix des combustibles fossiles vont baisser de 0,5 à 1 %.

Baisse des prix de l’électricité

La baisse des prix des combustibles fossiles va réduire mécaniquement les coûts de l’électricité, car environ 50 % de l’électricité est produite en Europe à partir des énergies fossiles. En outre, une demande plus faible en électricité va modifier la part des différentes sources de production, au profit des générateurs d’électricité les moins coûteux. Cela aura un effet additionnel de réduction des prix de l’électricité. L’électricité ne peut pas être facilement stockée en grande quantité, donc son prix est plus élevé pour les générateurs capables de produire de l’électricité ponctuellement.

Sur la figure ci-dessous, on peut voir que la demande d’électricité varie considérablement au cours d’une journée. La demande la nuit est faible, puis elle augmente au cours de la journée, atteint un maximum l’après-midi jusque tard dans la soirée, et enfin redescend. La nuit, seuls les générateurs d’électricité les moins coûteux sont en service. Lorsque la demande augmente, les générateurs plus chers sont mis en ligne. Dans l’après-midi, on démarre les générateurs dits "de pointe" qui ont le coût supplémentaire (coût marginal) le plus important. Les factures d’électricité sont alors plus élevées, car le prix de l’électricité est fixé par la production la plus coûteuse.

Alors, comment les économies d’électricité peuvent-elles abaisser son prix ? Lorsque des mesures seront prises pour réduire la demande, les générateurs les plus coûteux seront mis hors tension, et le prix de l’électricité sera alors fixé par des générateurs moins chers. Par conséquent, le prix global de l’électricité va baisser si l’on consomme moins d’électricité.

D’autant plus que certaines mesures permettent d’écrêter la demande, en déplaçant la pointe de la journée vers des moments où la demande est plus faible. Cela permet d’accroître les périodes où les combustibles à faible coût déterminent les coûts marginaux, les prix baissent ainsi davantage.

En revanche, l’augmentation de l’usage de l’électricité dans les transports et le chauffage entraînerait une hausse des prix de l’électricité. Par conséquent, il est possible que les prix ne fassent pas réellement l’objet d’une réduction par rapport aux niveaux actuels. Mais les augmentations seront de toute façon inférieures à ce qu’elles seraient sans réduction de la demande.

L’impact sur le prix de l’électricité à court terme est difficile à quantifier, mais sera significatif. La tendance à la baisse des prix de l’électricité tiendra aussi longtemps que la capacité de production est excédentaire. À plus long terme, les investissements dans les centrales seront réduits grâce à la baisse de la demande résultant de mesures d’efficacité énergétique, et les pics et les creux résultant des variations de la demande variable seront lissés. Les impacts décrits ci-dessus pourraient donc diminuer.

La baisse de la demande en électricité diminuera aussi son prix "spot" (prix fixé pour une livraison immédiate). Ces dix dernières années, l’Allemagne a relié une très grande quantité de panneaux solaires photovoltaïques sur son réseau électrique, ce qui a entraîné une baisse de 40 % du prix spot de l’électricité ! De façon analogue, des mesures audacieuses d’efficacité énergétique auraient un effet sur le prix "spot" de l’électricité.

Moins investir dans les infrastructures

Comme expliqué précédemment, le prix de l’énergie est déterminé par ses coûts fixes et variables. La partie fixe est déterminée par les investissements dans les infrastructures énergétiques.

Si la demande d’électricité diminue, il ne sera pas nécessaire de construire de nouvelles capacités de production d’électricité. On pourra éviter ou réduire l’expansion des lignes à haute tension, et concevoir des réseaux de distribution de plus faible dimension.

Si on diminue nettement les importations de pétrole, de gaz naturel et de charbon, on a moins besoin d’installations d’importation, de stockage et de raffinage de ces combustibles.

Cela conduira à une économie additionnelle, puisqu’il est de pratique courante de transférer les coûts des investissements sur les consommateurs d’énergie. Cet effet sera notable plutôt à long terme, mais pourrait être du même ordre que les effets des économies d’énergie sur les combustibles fossiles.

Sur la base de son analyse des effets de la réduction de la demande sur les investissements à partir des scénarios de l’AIE, Ecofys estime à un montant d’environ 30 milliards d’euros par an la réduction des investissements dans les infrastructures européennes de l’énergie.

Ces économies dans les investissements d’infrastructure devraient permettre de réduire les prix de l’électricité ainsi que les prix des combustibles fossiles pour l’utilisateur final - un soulagement bienvenu pour les pays confrontés au remplacement de vieilles infrastructures dans la décennie à venir, tels que le Royaume-Uni et la Pologne.

Réguler le secteur de l’énergie

Si les engagements européens sur l’efficacité énergétique restent vaguent, ils risquent de conduire à des investissements inutiles et coûteux déployés dans les infrastructures énergétiques. C’est pourquoi l’UE doit fixer une législation juridiquement contraignante sur les économies d’énergie. Des engagements fermes sur l’efficacité énergétique permettront certainement de réduire les besoins d’investissements dans les infrastructures, et donc la partie du prix de l’énergie qui en dépend.

Mais les économies réalisées sur les coûts de l’énergie n’entraînent pas automatiquement une baisse des prix pour les utilisateurs finaux. Il est donc important de mettre en place une surveillance étroite de la façon dont des économies de coûts sont répercutées auprès des consommateurs, et que des mesures soient prises par les régulateurs de l’énergie en cas de besoin.

1 € économisé = 2 € gagnés

Sur la base des données présentées dans cette étude, Ecofys estime que l’impact direct des économies d’énergie sera du même ordre que l’impact indirect sur les prix de l’énergie. En clair, pour chaque euro économisé sur la consommation d’énergie, un autre euro serait économisé en raison de la diminution des prix de l’énergie.

Finalement, Ecofys prévoit une économie supplémentaire annuelle nette de l’ordre de 100 milliards d’euros en plus des 107 milliards qui résulterait de l’objectif de 20% d’économie d’énergie en 2020 dans l’Union européenne.

D’après l’étude "Saving energy : bringing down Europe’s energy prices" (Les économies d’énergie font baisser les prix de l’énergie en Europe), E.Molenbroek et K.Blok, Ecofys, mai 2012, commanditée par Les Amis de la Terre Europe et le Réseau Action Climat Europe. Synthèse traduite et adaptée en français par Hervé Loquais.

Les experts d’Ecofys révèlent que les économies d’énergie réduisent les coûts non seulement directement (on consomme moins, donc on paie moins), mais aussi par effet d’entraînement à la baisse des prix de l’énergie. Ils ont donc calculé les économies réelles que permettrait la mise en œuvre effective de l’objectif européen de 20% d’énergie économisée en 2020.

Objectif : 20 % d’énergie économisée en 2020

En juin 2011, la Commission Européenne a proposé une nouvelle directive sur l’efficacité énergétique, visant 20% de réduction de la consommation d’énergie d’ici 2020. Au vu de la situation actuelle, cet objectif ne sera même pas atteint de moitié.

Mais si toutes les mesures d’efficacité énergétique nécessaires étaient prises, l’Union européenne (UE) parviendrait en 2020 à économiser 107 milliards d’euros par an, simplement par la réduction des quantités d’énergie achetées, après déduction du coût des mesures d’économie d’énergie. Bien que considérable, ce résultat est probablement sous-évalué, car basé sur un prix du pétrole très prudent de 52€ le baril (alors qu’il fluctue actuellement aux environs de 80-90€). De plus, il ne prend pas en compte les impacts indirects à la baisse sur le prix de l’énergie.

Actuellement, 80% de la consommation européenne d’énergie primaire sont assurés par les combustibles fossiles. L’UE importe plus de 80% du pétrole, 60% du gaz naturel et 40% du charbon qu’elle utilise. D’après le scénario tendanciel de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la consommation d’énergie va augmenter de 12 % entre 2005 et 2020, et les prix mondiaux du pétrole, du gaz et du charbon vont eux aussi augmenter.

Comment réduire le coût de l’énergie ?

Deux éléments déterminent le coût de l’énergie : le premier est la quantité d’énergie consommée, le deuxième est le prix de l’énergie. Le prix de l’énergie est déterminé par des coûts constitués d’une partie fixe - l’infrastructure énergétique (les gazoducs et les centres de stockage, les centrales électriques, les réseaux de transport et de distribution) - et d’une partie variable – coût des combustibles, charges et taxes environnementales, etc.

Les investissements dans l’efficacité énergétique permettent de réduire les prix de l’énergie en abaissant à la fois les coûts fixes et les coûts variables. Les experts d’Ecofys estiment que la baisse de la demande en Europe réduirait les prix des combustibles fossiles et de l’électricité, puis supprimerait des investissements dans les infrastructures, entraînant des réductions supplémentaires des prix de l’énergie.

Baisse des prix des énergies fossiles

Les politiques d’efficacité énergétique dans l’UE vont réduire la demande en combustibles fossiles en Europe, ce qui conduira à diminuer leurs prix. En effet, les marchés internationaux des énergies fossiles sont sous pression, car il existe peu de stocks mondiaux. Cela signifie que les prix sont très sensibles aux variations de la demande d’énergie. On peut donc s’attendre à d’importantes réductions des prix futurs de l’énergie, puisque la demande mondiale va baisser en raison des économies d’énergie en Europe et de leurs retombées dans d’autres régions du monde.

Parmi les combustibles fossiles, certains marchés sont mondiaux, d’autres sont plus régionaux, mais ils sont tous plus ou moins reliés. Les prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel sont également corrélés dans une certaine mesure.

L’approvisionnement en pétrole brut est clairement en situation de stress. Une des raisons est que la demande mondiale de pétrole est proche de la vitesse à laquelle il peut être extrait de terre. Il s’agit d’une situation de vulnérabilité, ce qui compromet les chances de prix stables et modérés.

Ecofys a analysé les effets de la réduction de la demande sur les prix de l’énergie fossile à partir des scénarios de l’AIE. Au niveau mondial, les calculs d’Ecofys montrent que chaque euro économisé grâce à la réduction de la demande génère une économie supplémentaire, liée à la réduction du prix, de 2,40€ pour le pétrole, 1,70€ pour le gaz naturel et 0,70€ pour les combustibles solides.

Comment la politique européenne influe sur les cours mondiaux

Mais si cet effet est notable au niveau mondial, qu’en est-il à l’échelle de l’UE ? La consommation d’énergie de l’UE ne représente que 15% environ de la demande énergétique mondiale. Par conséquent, l’impact de la réduction de la demande européenne sur les prix des marchés mondiaux, notamment pour le pétrole, sera beaucoup moins important que pour une réduction de la demande à l’échelle mondiale.

Cela dit, l’effet de l’action européenne sera plus important dans les cas où les marchés sont plus régionaux. C’est le cas pour le gaz naturel. Et même pour les combustibles dont le marché est global, on peut s’attendre à avoir des réactions en chaîne lorsque l’UE réalisera d’importants efforts d’efficacité énergétique. Une technologie développée pour le marché de l’UE pourra également être déployée à l’extérieur dans une certaine mesure. Les pays hors UE peuvent également suivre les objectifs politiques et les exemples de réglementation de l’UE et de ses États membres.

Dans l’ensemble, selon Ecofys, on peut s’attendre à ce que les prix des combustibles fossiles payés en Europe diminuent si l’Europe met en place des politiques ambitieuses d’économies d’énergie. En tenant compte de la proportion relative de la demande mondiale représentée par l’UE et de la mesure dans laquelle les prix de l’énergie de l’UE sont déterminés au niveau mondial, le facteur de multiplication sera plus petit que ceux mentionnés ci-dessus ; probablement de 0,5 à 1,0. Cela signifie que pour chaque % d’économie d’énergie dans l’UE, Ecofys estime que les prix des combustibles fossiles vont baisser de 0,5 à 1 %.

Baisse des prix de l’électricité

La baisse des prix des combustibles fossiles va réduire mécaniquement les coûts de l’électricité, car environ 50 % de l’électricité est produite en Europe à partir des énergies fossiles. En outre, une demande plus faible en électricité va modifier la part des différentes sources de production, au profit des générateurs d’électricité les moins coûteux. Cela aura un effet additionnel de réduction des prix de l’électricité. L’électricité ne peut pas être facilement stockée en grande quantité, donc son prix est plus élevé pour les générateurs capables de produire de l’électricité ponctuellement.

Sur la figure ci-dessous, on peut voir que la demande d’électricité varie considérablement au cours d’une journée. La demande la nuit est faible, puis elle augmente au cours de la journée, atteint un maximum l’après-midi jusque tard dans la soirée, et enfin redescend. La nuit, seuls les générateurs d’électricité les moins coûteux sont en service. Lorsque la demande augmente, les générateurs plus chers sont mis en ligne. Dans l’après-midi, on démarre les générateurs dits "de pointe" qui ont le coût supplémentaire (coût marginal) le plus important. Les factures d’électricité sont alors plus élevées, car le prix de l’électricité est fixé par la production la plus coûteuse.

Alors, comment les économies d’électricité peuvent-elles abaisser son prix ? Lorsque des mesures seront prises pour réduire la demande, les générateurs les plus coûteux seront mis hors tension, et le prix de l’électricité sera alors fixé par des générateurs moins chers. Par conséquent, le prix global de l’électricité va baisser si l’on consomme moins d’électricité.

D’autant plus que certaines mesures permettent d’écrêter la demande, en déplaçant la pointe de la journée vers des moments où la demande est plus faible. Cela permet d’accroître les périodes où les combustibles à faible coût déterminent les coûts marginaux, les prix baissent ainsi davantage.

En revanche, l’augmentation de l’usage de l’électricité dans les transports et le chauffage entraînerait une hausse des prix de l’électricité. Par conséquent, il est possible que les prix ne fassent pas réellement l’objet d’une réduction par rapport aux niveaux actuels. Mais les augmentations seront de toute façon inférieures à ce qu’elles seraient sans réduction de la demande.

L’impact sur le prix de l’électricité à court terme est difficile à quantifier, mais sera significatif. La tendance à la baisse des prix de l’électricité tiendra aussi longtemps que la capacité de production est excédentaire. À plus long terme, les investissements dans les centrales seront réduits grâce à la baisse de la demande résultant de mesures d’efficacité énergétique, et les pics et les creux résultant des variations de la demande variable seront lissés. Les impacts décrits ci-dessus pourraient donc diminuer.

La baisse de la demande en électricité diminuera aussi son prix "spot" (prix fixé pour une livraison immédiate). Ces dix dernières années, l’Allemagne a relié une très grande quantité de panneaux solaires photovoltaïques sur son réseau électrique, ce qui a entraîné une baisse de 40 % du prix spot de l’électricité ! De façon analogue, des mesures audacieuses d’efficacité énergétique auraient un effet sur le prix "spot" de l’électricité.

Moins investir dans les infrastructures

Comme expliqué précédemment, le prix de l’énergie est déterminé par ses coûts fixes et variables. La partie fixe est déterminée par les investissements dans les infrastructures énergétiques.

Si la demande d’électricité diminue, il ne sera pas nécessaire de construire de nouvelles capacités de production d’électricité. On pourra éviter ou réduire l’expansion des lignes à haute tension, et concevoir des réseaux de distribution de plus faible dimension.

Si on diminue nettement les importations de pétrole, de gaz naturel et de charbon, on a moins besoin d’installations d’importation, de stockage et de raffinage de ces combustibles.

Cela conduira à une économie additionnelle, puisqu’il est de pratique courante de transférer les coûts des investissements sur les consommateurs d’énergie. Cet effet sera notable plutôt à long terme, mais pourrait être du même ordre que les effets des économies d’énergie sur les combustibles fossiles.

Sur la base de son analyse des effets de la réduction de la demande sur les investissements à partir des scénarios de l’AIE, Ecofys estime à un montant d’environ 30 milliards d’euros par an la réduction des investissements dans les infrastructures européennes de l’énergie.

Ces économies dans les investissements d’infrastructure devraient permettre de réduire les prix de l’électricité ainsi que les prix des combustibles fossiles pour l’utilisateur final - un soulagement bienvenu pour les pays confrontés au remplacement de vieilles infrastructures dans la décennie à venir, tels que le Royaume-Uni et la Pologne.

Réguler le secteur de l’énergie

Si les engagements européens sur l’efficacité énergétique restent vaguent, ils risquent de conduire à des investissements inutiles et coûteux déployés dans les infrastructures énergétiques. C’est pourquoi l’UE doit fixer une législation juridiquement contraignante sur les économies d’énergie. Des engagements fermes sur l’efficacité énergétique permettront certainement de réduire les besoins d’investissements dans les infrastructures, et donc la partie du prix de l’énergie qui en dépend.

Mais les économies réalisées sur les coûts de l’énergie n’entraînent pas automatiquement une baisse des prix pour les utilisateurs finaux. Il est donc important de mettre en place une surveillance étroite de la façon dont des économies de coûts sont répercutées auprès des consommateurs, et que des mesures soient prises par les régulateurs de l’énergie en cas de besoin.

1 € économisé = 2 € gagnés

Sur la base des données présentées dans cette étude, Ecofys estime que l’impact direct des économies d’énergie sera du même ordre que l’impact indirect sur les prix de l’énergie. En clair, pour chaque euro économisé sur la consommation d’énergie, un autre euro serait économisé en raison de la diminution des prix de l’énergie.

Finalement, Ecofys prévoit une économie supplémentaire annuelle nette de l’ordre de 100 milliards d’euros en plus des 107 milliards qui résulterait de l’objectif de 20% d’économie d’énergie en 2020 dans l’Union européenne.

D’après l’étude "Saving energy : bringing down Europe’s energy prices" (Les économies d’énergie font baisser les prix de l’énergie en Europe), E.Molenbroek et K.Blok, Ecofys, mai 2012, commanditée par Les Amis de la Terre Europe et le Réseau Action Climat Europe. Synthèse traduite et adaptée en français par Hervé Loquais.



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