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Sortir du nucléaire n°75



Automne 2017

Cigéo

CIGÉO : un mauvais projet, un principe inacceptable, un chantier à risques

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°75 - Automne 2017

 Bure - CIGEO


Le 1er août 2017, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a émis un projet de décision relatif au dossier d’options de sûreté de l’installation de stockage de déchets radioactifs Cigéo. Ce projet a été soumis à consultation du public durant un mois et demi [https://www.asn.fr/Reglementer/Participation-du-public/Consultations-du-public/Archives-des-consultations-du-public/Dossier-d-options-de-surete-Cigeo] . Deux experts en matière de sûreté nucléaire, Benjamin Dessus et Bernard Laponche [Benjamin Dessus est ingénieur et économiste, président de l’association Global Chance ; Bernard Laponche est un polytechnicien, Docteur ès sciences (physique des réacteurs nucléaires), Docteur en économie de l’énergie, et a travaillé au CEA ], ont contribué à cette consultation [L’intégralité de ce commentaire est accessible sur le blog de Benjamin Dessus : https://blogs.mediapart.fr/benjamin-dessus/blog/140917/des-avis-critiques-sur-le-projet-cigeo] . Bernard Laponche nous livre ici un résumé de leur commentaire, nous offrant une analyse scientifique et technique qui met en lumière les failles fondamentales et glaçantes de ce projet d’enfouissement des déchets nucléaires.



L’avis de l’ASN sur le dossier d’options de sûreté du projet Cigéo repose sur une étude de l’IRSN [1] et sur une revue internationale par des pairs régulateurs. Ce rapport de l’ERI [2] porte un rude coup au projet :

  • Sur les recherches encore nécessaires : "... production et transport de gaz ; description du vieillissement des composants de l’installation de stockage au cours de la période d’exploitation, en particulier ceux des alvéoles de stockage ; incertitudes liées au temps de restauration des alvéoles de stockage et effet sur la dégradation des colis de déchets ; rôle des microbes et potentielle formation de biofilms au cours de la période d’exploitation ; conséquences de défaillances non détectées".
  • Sur l’écoulement de l’eau dans la roche : "L’Andra [3] doit considérer des mécanismes d’écoulement des eaux au sein du Cox [4] dans le cadre de calculs de simulation hypothétiques pour renforcer la démonstration de la robustesse du système de stockage, en particulier les performances de la roche du Cox en matière de sûreté".
  • Sur un défaut de conteneur de déchets de haute activité : "L’Andra doit justifier les raisons qui font qu’il n’est pas nécessaire d’inclure, dans le scénario d’évolution normale, un conteneur HA [5] initialement défectueux ou un conteneur HA prématurément défaillant".
  • Sur le risque d’intrusion humaine : "Conformément aux pratiques internationales, l’Andra doit traiter les scénarios d’intrusion humaine séparément des autres types de scénarios, en excluant tout jugement de probabilité d’occurrence".
DR

Le travail de l’ERI renforce celui de l’IRSN : "Néanmoins, l’IRSN a identifié quatre points majeurs qui pourraient entraîner des modifications substantielles de la conception du stockage : la maîtrise des risques liés à l’incendie dans une alvéole de stockage de colis d’enrobés bitumineux ; la prise en compte de certaines situations accidentelles pour l’exploitation de l’installation souterraine ; la faisabilité de la surveillance de paramètres clés de la sûreté de Cigéo ; l’optimisation du point de vue de la sûreté de l’architecture du stockage".

La réversibilité du stockage, condition imposée par la loi, est de fait irréalisable par le choix de la couche d’argile qui "compresse" les colis de déchets irradiants.
© Patrice Latron-LookatSciences

La réversibilité du stockage, condition imposée par la loi, est de fait irréalisable par le choix de la couche d’argile qui "compresse" les colis de déchets irradiants.

L’ensemble des faiblesses, des lacunes et des obstacles mis en évidence par les trois avis officiels (ASN, IRSN, ERI) conduit à une profonde remise en cause du projet Cigéo. Sans parler des coûts considérables d’une telle entreprise qui seraient évidemment, in fine, à la charge de nos concitoyens. La stratégie de gestion des déchets radioactifs a été conduite sur la base de choix – retraitement des combustibles, production du plutonium, différenciation discutable entre "matières valorisables" et déchets... - dictés par les producteurs de déchets. Elle doit être entièrement revisitée.

Le choix de l’enfouissement des déchets radioactifs en couche géologique profonde n’est pas acceptable. Il ne fait pas "disparaître" les déchets. Il les cache et impose de façon irréversible aux générations futures une pollution de la croûte terrestre à durée illimitée. La reproduction d’une telle solution dans des conditions incontrôlées ne pourrait qu’aboutir à la pollution à grande échelle des eaux souterraines dans de nombreuses régions du globe. La stratégie de gestion des déchets nucléaires doit être radicalement revisitée et la justification même de la production de l’électricité par l’utilisation de l’énergie nucléaire doit être réexaminée.

Bernard Laponche


Notes

[1Rapport n°2017-00013 de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

[2Équipe de revue internationale, sollicitée par l’ASN et organisée par l’Agence internationale de l’énergie atomique

[3Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, porteuse du projet Cigéo

[4Callovo-Oxfordien, qualification précise de l’argilite de la couche géologique

[5Haute activité

L’avis de l’ASN sur le dossier d’options de sûreté du projet Cigéo repose sur une étude de l’IRSN [1] et sur une revue internationale par des pairs régulateurs. Ce rapport de l’ERI [2] porte un rude coup au projet :

  • Sur les recherches encore nécessaires : "... production et transport de gaz ; description du vieillissement des composants de l’installation de stockage au cours de la période d’exploitation, en particulier ceux des alvéoles de stockage ; incertitudes liées au temps de restauration des alvéoles de stockage et effet sur la dégradation des colis de déchets ; rôle des microbes et potentielle formation de biofilms au cours de la période d’exploitation ; conséquences de défaillances non détectées".
  • Sur l’écoulement de l’eau dans la roche : "L’Andra [3] doit considérer des mécanismes d’écoulement des eaux au sein du Cox [4] dans le cadre de calculs de simulation hypothétiques pour renforcer la démonstration de la robustesse du système de stockage, en particulier les performances de la roche du Cox en matière de sûreté".
  • Sur un défaut de conteneur de déchets de haute activité : "L’Andra doit justifier les raisons qui font qu’il n’est pas nécessaire d’inclure, dans le scénario d’évolution normale, un conteneur HA [5] initialement défectueux ou un conteneur HA prématurément défaillant".
  • Sur le risque d’intrusion humaine : "Conformément aux pratiques internationales, l’Andra doit traiter les scénarios d’intrusion humaine séparément des autres types de scénarios, en excluant tout jugement de probabilité d’occurrence".
DR

Le travail de l’ERI renforce celui de l’IRSN : "Néanmoins, l’IRSN a identifié quatre points majeurs qui pourraient entraîner des modifications substantielles de la conception du stockage : la maîtrise des risques liés à l’incendie dans une alvéole de stockage de colis d’enrobés bitumineux ; la prise en compte de certaines situations accidentelles pour l’exploitation de l’installation souterraine ; la faisabilité de la surveillance de paramètres clés de la sûreté de Cigéo ; l’optimisation du point de vue de la sûreté de l’architecture du stockage".

La réversibilité du stockage, condition imposée par la loi, est de fait irréalisable par le choix de la couche d’argile qui "compresse" les colis de déchets irradiants.
© Patrice Latron-LookatSciences

La réversibilité du stockage, condition imposée par la loi, est de fait irréalisable par le choix de la couche d’argile qui "compresse" les colis de déchets irradiants.

L’ensemble des faiblesses, des lacunes et des obstacles mis en évidence par les trois avis officiels (ASN, IRSN, ERI) conduit à une profonde remise en cause du projet Cigéo. Sans parler des coûts considérables d’une telle entreprise qui seraient évidemment, in fine, à la charge de nos concitoyens. La stratégie de gestion des déchets radioactifs a été conduite sur la base de choix – retraitement des combustibles, production du plutonium, différenciation discutable entre "matières valorisables" et déchets... - dictés par les producteurs de déchets. Elle doit être entièrement revisitée.

Le choix de l’enfouissement des déchets radioactifs en couche géologique profonde n’est pas acceptable. Il ne fait pas "disparaître" les déchets. Il les cache et impose de façon irréversible aux générations futures une pollution de la croûte terrestre à durée illimitée. La reproduction d’une telle solution dans des conditions incontrôlées ne pourrait qu’aboutir à la pollution à grande échelle des eaux souterraines dans de nombreuses régions du globe. La stratégie de gestion des déchets nucléaires doit être radicalement revisitée et la justification même de la production de l’électricité par l’utilisation de l’énergie nucléaire doit être réexaminée.

Bernard Laponche



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