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Stress tests européens des réacteurs : la France épinglée

Analyse (juin 2011)

Article publié le 1er juin 2011



Les « stress tests » : pas très stressants pour les exploitants, pas rassurants pour les populations…



Des évaluations qui ne sauraient être prises au sérieux

  • Des délais beaucoup trop serrés

Face à la catastrophe de Fukushima, une réaction urgente est indispensable. Mais il semble que cette urgence serve de prétexte pour exclure des éléments importants et bâcler les évaluations en toute bonne conscience. C’est du moins ce qu’avoue sans honte Christian Taillebois, du lobby européen FORATOM : il ne faut pas de tests exhaustifs, car cela demanderait encore plus de temps et il faut rassurer les gens tout de suite (Dans une interview du 11 mai dernier : « Including terrorist attacks or cyber-attacks as stress- test criteria would mean the checks will take more time and authorities won’t be able to make the results public,” Taillebois said. “Our feeling is that citizens in Europe are waiting for the results and we should announce them without delays. People don’t want to make things political and it’s important to prove that nuclear plants in Europe are safe.”)

Considérer des évaluations de sûreté comme un pur exercice de communication de crise, voilà qui n’a pas de quoi nous rassurer...

De fait, les évaluations débuteront le 1er juin, avec copie à rendre le 15 septembre. Trois mois et demi, voilà qui est bien court.

  • Quel crédit porter à une auto-évaluation ?

Même si l’intervention conjointe d’experts étrangers est prévue sur certaines centrales situées aux frontières (Fessenheim, Cattenom), ce seront in fine les exploitants qui s’auto-testeront eux-mêmes, comme le préconise l’ASN :  « Les exploitants sont les premiers responsables de la sûreté. C’est donc aux exploitants d’effectuer les évaluations complémentaires ; le rôle de l’ASN est de les évaluer de manière indépendante ».

Peut-on attendre des exploitants eux-mêmes que, tout d’un coup, ils mettent en évidence des problèmes de sûreté sur leur site ? Cela reviendrait pour eux à avouer qu’ils ont couvert des anomalies pendant des années.

  • Une méthodologie extrêmement contestable

Un projet fuité d’évaluation des centrales allemandes proposait de vérifier si les installations étaient dotées de toute une liste d’équipements indispensables pour la sûreté depuis la catastrophe de Fukushima, et d’exiger la mise en place sans délai de toute une série de dispositifs, faute de quoi les centrales ne pourraient plus redémarrer.

On ne retrouve pas cette idée d’impératifs de sûreté renforcés à respecter coûte que coûte dans la méthodologie d’évaluation française. En effet, la méthodologie proposée par l’ASN propose principalement de vérifier si les installations respectent bien les standards qui leur ont été prescrits lors de leur conception, et de voir éventuellement s’il est possible d’aller plus loin, en suggérant des améliorations. Par ailleurs, concernant la question brûlante des conditions de la sous-traitance, où une enquête approfondie serait nécessaire, on se contentera d’une simple description !

Par ailleurs, les délais extrêmement réduits ne permettent évidemment pas d’enquêtes approfondies ni de simulations poussées, si bien que l’ASN elle-même préconise le "recyclage" d’anciennes études ! Compte tenu du calendrier contraint de l’exercice, les exploitants pourront effectuer leurs évaluations complémentaires en se fondant sur les études de sûreté existantes et le jugement d’ingénieurs.

Quelle est la pertinence de tests bâclés et lacunaires, dont tout est fait pour qu’ils n’apportent aucun résultat nouveau ?

Une question demeure : s’il est question de se baser sur des éléments déjà existants, prendra-t-on en compte les problèmes déjà mis en évidence par le Réseau "Sortir du nucléaire" sur les risques sismiques ? Sur les anomalies dans les circuits de refroidissement des réacteurs de 900 MW ? Sur la non-tenue au séisme de certains équipements ?

  • Un périmètre réduit

In fine, lors de ces stress tests, on se contentera surtout de tester les risques qui ont été en jeu à Fukushima (séisme et inondation). Pourtant, avec plusieurs accidents majeurs et graves en quelques décennies, nous savons que l’accident ne suit pas un modèle unique, et peut arriver par différents biais et concours de circonstances aléatoires par nature imprévisibles. Pour prévenir d’autres problèmes tout aussi dangereux mais non pris en compte dans ces tests, faudra-t-il donc attendre un autre accident, pour pouvoir en faire un retour d’expérience ?

Contrairement à ce que l’Allemagne, l’Autriche et le commissaire européen à l’Énergie Gunter Öttinger lui-même préconisaient, ces stress tests éviteront de prendre en compte la menace terroriste, qu’il s’agisse d’un crash d’avion ou de cyberterrorisme. On sait pourtant que la grande majorité des installations nucléaires françaises, à commencer par l’EPR de Flamanville et l’usine Areva de La Hague, ne sont pas équipées pour résister à un crash d’avion de ligne  !

Et on sait également que le virus Stuxnet a pu bloquer le fonctionnement d’une centrale nucléaire iranienne.

Ces stress tests, volontairement lacunaires, se refusent également à prendre en compte les transports de matières radioactives (ne seront testées que les installations, et pas la totalité d’entre elles). Pourtant, certains transports de combustible usé représentent l’équivalent d’au moins un réacteur sur rail !

Enfin, on notera la sous-estimation énorme du facteur humain dans le risque accidentel : dans ce domaine crucial, on demandera juste à l’exploitant une description sommaire de la sous-traitance !

  • Le cas de l’EPR

L’EPR en construction à Flamanville est également concerné par les évaluations. Or, le Réseau "Sortir du nucléaire" et d’autres associations, notamment IPPNW, ont eu l’occasion de mettre en évidence plusieurs défauts de conception ou problèmes potentiels dans la conduite du réacteur qui pourraient mener à des accidents graves.

Entre autres, on sait ainsi que le récupérateur de corium prévu sur l’EPR pourrait, en cas de fusion du coeur, aggraver l’accident en provoquant une explosion d’hydrogène.

On sait aussi, comme l’attestent des documents EDF parvenus au Réseau "Sortir du nucléaire", que le pilotage en mode "Retour Instantané en Puissance" pourrait mener, en cas d’accident d’éjection des grappes de commande, à un emballement du réacteur conduisant à un accident de criticité.

Il se trouve que les stress tests se proposent d’étudier, entre autres, les moyens de prévenir explosions d’hydrogène et accidents de criticité. S’il faut se baser sur les études existantes, les documents dont dispose le Réseau "Sortir du nucléaire" seront-ils pris en compte ? 

Des évaluations qui ne sauraient être prises au sérieux

  • Des délais beaucoup trop serrés

Face à la catastrophe de Fukushima, une réaction urgente est indispensable. Mais il semble que cette urgence serve de prétexte pour exclure des éléments importants et bâcler les évaluations en toute bonne conscience. C’est du moins ce qu’avoue sans honte Christian Taillebois, du lobby européen FORATOM : il ne faut pas de tests exhaustifs, car cela demanderait encore plus de temps et il faut rassurer les gens tout de suite (Dans une interview du 11 mai dernier : « Including terrorist attacks or cyber-attacks as stress- test criteria would mean the checks will take more time and authorities won’t be able to make the results public,” Taillebois said. “Our feeling is that citizens in Europe are waiting for the results and we should announce them without delays. People don’t want to make things political and it’s important to prove that nuclear plants in Europe are safe.”)

Considérer des évaluations de sûreté comme un pur exercice de communication de crise, voilà qui n’a pas de quoi nous rassurer...

De fait, les évaluations débuteront le 1er juin, avec copie à rendre le 15 septembre. Trois mois et demi, voilà qui est bien court.

  • Quel crédit porter à une auto-évaluation ?

Même si l’intervention conjointe d’experts étrangers est prévue sur certaines centrales situées aux frontières (Fessenheim, Cattenom), ce seront in fine les exploitants qui s’auto-testeront eux-mêmes, comme le préconise l’ASN :  « Les exploitants sont les premiers responsables de la sûreté. C’est donc aux exploitants d’effectuer les évaluations complémentaires ; le rôle de l’ASN est de les évaluer de manière indépendante ».

Peut-on attendre des exploitants eux-mêmes que, tout d’un coup, ils mettent en évidence des problèmes de sûreté sur leur site ? Cela reviendrait pour eux à avouer qu’ils ont couvert des anomalies pendant des années.

  • Une méthodologie extrêmement contestable

Un projet fuité d’évaluation des centrales allemandes proposait de vérifier si les installations étaient dotées de toute une liste d’équipements indispensables pour la sûreté depuis la catastrophe de Fukushima, et d’exiger la mise en place sans délai de toute une série de dispositifs, faute de quoi les centrales ne pourraient plus redémarrer.

On ne retrouve pas cette idée d’impératifs de sûreté renforcés à respecter coûte que coûte dans la méthodologie d’évaluation française. En effet, la méthodologie proposée par l’ASN propose principalement de vérifier si les installations respectent bien les standards qui leur ont été prescrits lors de leur conception, et de voir éventuellement s’il est possible d’aller plus loin, en suggérant des améliorations. Par ailleurs, concernant la question brûlante des conditions de la sous-traitance, où une enquête approfondie serait nécessaire, on se contentera d’une simple description !

Par ailleurs, les délais extrêmement réduits ne permettent évidemment pas d’enquêtes approfondies ni de simulations poussées, si bien que l’ASN elle-même préconise le "recyclage" d’anciennes études ! Compte tenu du calendrier contraint de l’exercice, les exploitants pourront effectuer leurs évaluations complémentaires en se fondant sur les études de sûreté existantes et le jugement d’ingénieurs.

Quelle est la pertinence de tests bâclés et lacunaires, dont tout est fait pour qu’ils n’apportent aucun résultat nouveau ?

Une question demeure : s’il est question de se baser sur des éléments déjà existants, prendra-t-on en compte les problèmes déjà mis en évidence par le Réseau "Sortir du nucléaire" sur les risques sismiques ? Sur les anomalies dans les circuits de refroidissement des réacteurs de 900 MW ? Sur la non-tenue au séisme de certains équipements ?

  • Un périmètre réduit

In fine, lors de ces stress tests, on se contentera surtout de tester les risques qui ont été en jeu à Fukushima (séisme et inondation). Pourtant, avec plusieurs accidents majeurs et graves en quelques décennies, nous savons que l’accident ne suit pas un modèle unique, et peut arriver par différents biais et concours de circonstances aléatoires par nature imprévisibles. Pour prévenir d’autres problèmes tout aussi dangereux mais non pris en compte dans ces tests, faudra-t-il donc attendre un autre accident, pour pouvoir en faire un retour d’expérience ?

Contrairement à ce que l’Allemagne, l’Autriche et le commissaire européen à l’Énergie Gunter Öttinger lui-même préconisaient, ces stress tests éviteront de prendre en compte la menace terroriste, qu’il s’agisse d’un crash d’avion ou de cyberterrorisme. On sait pourtant que la grande majorité des installations nucléaires françaises, à commencer par l’EPR de Flamanville et l’usine Areva de La Hague, ne sont pas équipées pour résister à un crash d’avion de ligne  !

Et on sait également que le virus Stuxnet a pu bloquer le fonctionnement d’une centrale nucléaire iranienne.

Ces stress tests, volontairement lacunaires, se refusent également à prendre en compte les transports de matières radioactives (ne seront testées que les installations, et pas la totalité d’entre elles). Pourtant, certains transports de combustible usé représentent l’équivalent d’au moins un réacteur sur rail !

Enfin, on notera la sous-estimation énorme du facteur humain dans le risque accidentel : dans ce domaine crucial, on demandera juste à l’exploitant une description sommaire de la sous-traitance !

  • Le cas de l’EPR

L’EPR en construction à Flamanville est également concerné par les évaluations. Or, le Réseau "Sortir du nucléaire" et d’autres associations, notamment IPPNW, ont eu l’occasion de mettre en évidence plusieurs défauts de conception ou problèmes potentiels dans la conduite du réacteur qui pourraient mener à des accidents graves.

Entre autres, on sait ainsi que le récupérateur de corium prévu sur l’EPR pourrait, en cas de fusion du coeur, aggraver l’accident en provoquant une explosion d’hydrogène.

On sait aussi, comme l’attestent des documents EDF parvenus au Réseau "Sortir du nucléaire", que le pilotage en mode "Retour Instantané en Puissance" pourrait mener, en cas d’accident d’éjection des grappes de commande, à un emballement du réacteur conduisant à un accident de criticité.

Il se trouve que les stress tests se proposent d’étudier, entre autres, les moyens de prévenir explosions d’hydrogène et accidents de criticité. S’il faut se baser sur les études existantes, les documents dont dispose le Réseau "Sortir du nucléaire" seront-ils pris en compte ? 



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